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d’être découverts ! Ainsi, selon leur grande prudence, ils feront transcrire le tout par une main inconnue et fidèle, ou, s’ils veulent, je leur en ferai faire une autre copie. Mais, selon leur grande indifférence, ils me laissent dans ma grande ignorance sur tout ce que je leur ai demandé, sur les paquets que je leur ai envoyés, sur leur santé, sur leurs bontés, sur la Gazette littéraire, sur un paquet qui est venu pour moi d’Angleterre, à l’adresse de M. le duc de Praslin.

Respect, tendresse, et douleur.



5521. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
13 janvier.

C’est donc aujourd’hui le 13 de janvier ; c’est donc en vain que j’ai envoyé des mémoires, des contes, des livres, des vers, des actes. Je languis sans réponse depuis le 22 de décembre ; je meurs ; les anges m’ont tué par leur silence. Le silence est le juste châtiment des bavards. Je meurs, je suis mort. Un De profundis, s’il vous plaît, à V.


5522. — À M.  BERTRAND.
Ferney, 13 janvier.

Je vous prie, mon cher philosophe, de relire la fable d’Ésope ou de La Fontaine[1], dans laquelle on introduit un héron qui refuse pour son dîner une carpe et une tanche, et qui se trouve trop heureux de manger un goujon. Il est si rare de trouver des acheteurs d’une marchandise de cabinet que je vous conseille de saisir l’occasion qui se présente. Si cette occasion manquait, vous ne la retrouveriez plus. Saisissez-la, croyez-moi :


· · · · · · · · · · Connobbi pur l’inique corti.

(Le Tasse, Jérusalem délivré, ch. VII, st. xii.)

On peut changer d’avis d’un jour à l’autre, et alors vous vous repentiriez bien de n’avoir pas accepté ce qu’on vous a offert. Songez qu’il y a des jésuites à Manheim.

Adieu, mon cher philosophe ; ne m’oubliez pas auprès de M. et de Mme  de Freudenreich, et comptez que je suis à vous pour la vie. V.

  1. Livre VII fable iv.