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Tolérance : car si l’un dévoile les iniquités des financiers, l’autre indique des iniquités non moins sacrées. Il n’est plus permis d’envoyer une Tolérance par la poste ; mais je demande comment un livre qui a eu le suffrage de mes anges, de M. le duc de Praslin, de M. le duc de Choiseul, de Mme la duchesse de Grammont et de Mme de Pompadour, peut être regardé comme un livre dangereux. Je suis toujours incertain si mes anges ont reçu mes paquets ; si ma réponse à l’aréopage comique leur est parvenue ; s’ils ont été contents des Trois Manières ; s’ils conduisent toujours leur conspiration. Je les accable de questions depuis quinze jours. Je sais bien que les cérémonies du jour de l’an, les visites, les lettres, ont occupé leur temps, et je ne leur demande de leurs nouvelles que quand ils auront du loisir ; mais alors je les supplie de me mettre un peu au fait de toutes les choses sur lesquelles j’ai fatigué leur complaisance.

Je ne sais encore si la Gazette littéraire est commencée[1] ; mais ce qui me fâche beaucoup, c’est que si mes yeux guérissent, la cure sera longue, et je ne serai de longtemps en état de servir M. le duc de Praslin ; s’ils ne guérissent pas, je ne le servirai jamais. Celui de mes anges qui ne m’écrit point me laisse toujours dans l’ignorance sur ses yeux et sur l’état de sa santé ; et l’autre qui m’écrit ne me dit pas un mot de ce qui m’intéresse le plus.

N’avez-vous pas été frappés de l’énergie avec laquelle l’Anti-financier[2] peint la misère du peuple et les vexations des publicains ? Mais il est, ce me semble, comme tous les philosophes qui réussissent très-bien à ruiner les systèmes de leurs adversaires, et qui n’en établissent pas de meilleurs.

Je finis ma lettre et ma journée par la douce espérance que je serai consolé par un mot de mes anges.


5519. — À M.  DE VÉGOBRE[3],
avocat à genève.
Ferney, 10 janvier 1764.

Je vous supplie, monsieur, de présenter mes remerciements à monsieur votre frère et à tous ceux de son pays qui veulent bien avoir pour moi quelque sensibilité. Mon plus grand chagrin

  1. Elle ne commença qu’en mars 1764.
  2. Voyez la note 1, page 58.
  3. Dernier Volume des œuvres de Voltaire, 1862.