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les fautes horribles d’impression. Béni soit à jamais celui qui a rendu ce service aux hommes !

On parle beaucoup d’une œuvre toute différente : c’est le mandement[1] de votre archevêque. On le dit imprimé clandestinement comme les Contes de La Fontaine, et on dit qu’il ne sera pas si bien reçu. Pourrai-je obtenir un de ces mandements, et un Anti-financier[2] ? Si par hasard vous aviez mis par écrit vos idées sur la finance, je vous avoue que j’en serais plus curieux que de tous les Anti-financiers du monde. Je m’imagine que vous avez des vues plus saines et des connaissances plus étendues que tous ceux qui veulent débrouiller ce chaos.

J’apprends que le parlement de Dijon vient de défendre, par un arrêt, de payer les nouveaux impôts ; j’avoue que je suis bien mauvais serviteur du roi, car j’ai tout payé.

Adieu, mon cher frère ; Saint-Évremont est un très-grand saint.


5504. — À M.  GUI DUCHESNE[3].
Aux Délices, 1er janvier.

Le dessein que vous me communiquez, monsieur, de faire une jolie édition de la Henriade sera, je crois, approuvé, parce que notre nation, devenue de jour en jour plus éclairée, en aime Henri IV davantage. J’ai été toujours étonné qu’aucun littérateur, aucun poète du temps[4] de Louis XIII et de Louis XIV n’eût rien fait à la gloire de ce grand homme. Il faut du temps pour que les réputations mûrissent.

Le bel Éloge de Maximilien de Sully[5], par M. Thomas, a rendu le grand Henri IV plus cher à la nation : ainsi je pense que vous prenez le temps le plus favorable pour réimprimer la Henriade, et que l’amour pour le héros fera pardonner les défauts de l’auteur. Je n’étais pas digne de faire cet ouvrage quand je l’entrepris, j’étais trop jeune ; et à présent je suis trop vieux pour l’embellir.

  1. Intitulé Instruction pastorale, etc. ; voyez la note 4, page 66.
  2. Voyez la note 1, page 58.
  3. Voyez la note, tome XLII, page 5.
  4. Sébastien Garnier avait publié, en 1594 et 1593, les deux premiers et les huit derniers chants d’un poëme de sa façon, intitulé la Henriade. Un auteur plus obscur encore, Jean Le Blanc, avait publié, en 1604 (et peut-être plus tôt), le Premier livre de la Henriade. Ces auteurs étaient, comme l’on voit, contemporains de leur héros. La remarque de Voltaire est donc juste. (B.)
  5. Ouvrage couronné par l’Académie française en 1763.