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5493. — À M.  DAMILAVILLE.
26 décembre.

Je souhaite à mon cher frère, pour l’an de grâce 1764, une santé inébranlable ; quelque excellente place dans la finance, qui lui laisse le loisir de se livrer aux belles-lettres. Je lui souhaite une vinée abondante dans la vigne du Seigneur, avec l’extirpation de l’infâme.

Je souhaite à mon frère Thieriot un zèle moins tiède. Que dites-vous de ce ronfleur-là, qui ne m’a pas dit seulement un mot du conte de ma mère l’oie, que je lui ai envoyé ?

On parle de l’Anti-financier[1] ; vaut-il la peine qu’on en parle ? Je supplie mon cher frère de vouloir bien me l’envoyer. M. de Laverdy a-t-il déjà changé tout le système des finances ? Il me semble qu’on a banni quinze ou seize personnes avec le sieur Bigot[2]. Pourquoi envoyer quinze ou seize citoyens dépenser leur argent dans les pays étrangers ? Ce n’est pas les punir, c’est punir la France. Nous avons une jurisprudence aussi ridicule que tout le reste ; cependant tout va et tout ira.

[3]S’il y a quelque chose de nouveau, je supplie mon cher frère de m’en faire part. Il est surtout prié de faire commémoration de moi avec frère Platon. N’y a-t-il pas deux volumes de planches de l’Encyclopédie que l’on distribue aux souscripteurs ? Briasson et compagnie m’ont oublié. J’attends cette Encyclopédie pour m’amuser et pour m’instruire le reste de mes jours.

Je vous embrasse le plus tendrement du monde.

Ecr. l’inf…


5494. — À M.  BERTRAND.
Ferney, 26 décembre.

Je conviens avec vous que les Juifs et les chrétiens ont beaucoup parlé de l’amour fraternel ; leur amour ressemble assez par

  1. L’Anti-financier, ou Relevé de quelques-unes des malversations dont se rendent journellement coupables les fermiers généraux, et des vexations qu’ils commettent dans les provinces ; 1763, in-8o de 104 pages. On attribue cet ouvrage à un avocat nommé Darigrand.
  2. Voyez la note 1 de la page 56.
  3. Le texte qu’on va lire a été donné, en 1822, dans le volume de Lettres inédites publié par M. A.-A. Renouard. Dans la Correspondance de Grimm, où cette lettre avait déjà été rapportée, on lit : « Que fait le tiède Thieriot ? Embrassez, je vous prie, pour moi, le grand frère Platon, que j’aime et que j’honore comme je le dois. N’y a-t-il pas, etc. » Le grand frère Platon est, comme on sait, Diderot. (B.)