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obligé de plaider au parlement contre mon prêtre, je jure Dieu que je mourrais avant que le procès fût jugé.

Je crois que je suis aussi dans la disgrâce du tyran du tripot, mais je me console très-aisément ; et tant que mes anges daigneront m’aimer, je défie le reste des humains de troubler mon repos. Je les supplie de me mettre aux pieds de M. le duc de Praslin, très-indépendamment de mon curé.

Respect et tendresse.


6016. — À M.  LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
13 mai.

Puisque vous avez reçu, monseigneur, le dernier paquet que j’eus l’honneur de vous adresser, il y a quelque temps, par M. Janel, en voici un autre[1] qui m’arrive de Hollande, et que je vous dépêche par la même voie. Je ne crois pas que vous ayez besoin de l’eau de Lausanne pour vos yeux ; ils ont vingt-cinq ans, comme votre imagination et vos grâces. Les miens sont très-vieux, et ont souffert des ophthalmies affreuses par les vents du nord-est autant que par la lecture ; mais si vous voulez employer cette eau pour quelqu’un de vos amis, vous n’avez qu’à me donner vos ordres, j’écrirai sur-le-champ à Lausanne afin qu’on en fasse partir quelques bouteilles par la voie que vous voudrez bien indiquer. Ce remède n’est bon que pour ceux qui ont des ulcères aux paupières, et n’est aucunement propre d’ailleurs à rétablir l’organe de la vue ; il lui ferait même plus de mal que de bien. Il reste encore à savoir si cette recette, qui est favorable dans le printemps, peut faire le même effet en hiver, ce dont je doute beaucoup.

Permettez-moi de vous dire un petit mot des spectacles, qui sont nécessaires à Paris, et que vous protégez. J’ignore si vous pourriez vous servir de l’occasion présente pour faire sentir combien il est contradictoire que des personnes payées par le roi, et qui sont sous vos ordres, soient en prison au For ou au Four de l’Évêque si elles ne remplissent pas les devoirs de leur profession, et excommuniées, damnées par l’évêque, si elles les remplissent. Est-il juste qu’on perde tous les droits de citoyen, et jusqu’à celui de la sépulture, parce qu’on est sous votre autorité ? Si quelqu’un peut jamais avoir la gloire de faire cesser cet

  1. La Philosophie de l’Histoire.