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ils ne me semblent pouvoir faire fortune qu’auprès de ceux qui connaissent un peu l’histoire ancienne. Je crois qu’ils n’essuieront pas le sort de la Destruction[1] : l’étiquette du sac n’inspire pas la même défiance. Le nom seul de jésuite effarouche la magistrature ; on examine l’ouvrage, dans l’idée d’y trouver des choses dangereuses ; des fatras d’histoire donnent moins d’alarme. La destruction des Babyloniens par les Persans effarouche moins que la destruction des jésuites par les jansénistes.

L’enchanteur Merlin est très-instamment prié de n’en pas faire une édition nouvelle avant de faire écouler celle d’un pauvre diable à qui on a donné ce petit morceau pour le tirer de la pauvreté. Je crois que l’enchanteur se tirera bien de la seconde édition.

Mon cher frère, toutes ces destructions-là sont l’édification des honnêtes gens. Combattez, anges de l’humanité ; écr. l’inf…


5991. — À M.  LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC[2].
Ferney, 19 avril.

Que diront donc, mon cher marquis, les ennemis de la raison et de l’humanité, quand ils apprendront que le roi a daigné donner trente-six mille livres à la famille Calas, avec la permission de prendre à partie les homicides qui ont fait rouer un innocent ? Il faut à présent que le fanatisme rougisse, se repente, et se taise. Au reste, l’arbre qui a porté dans tous les temps de si détestables fruits doit être jeté au feu par tous les honnêtes gens.

Ce qui vous surprendra, c’est qu’il y a une affaire à peu près semblable à celle des Calas sur le tapis. Tâchez, si vous avez quelque correspondant à Paris, d’avoir une lettre imprimée de M. de Voltaire à M. Damilaville : elle pourra vous étonner et vous attendrir. Bénissons le ciel, qui permet que la raison s’étende de tout côté chez les Welches : ce siècle sera le tombeau du fanatisme.

Pardonnez si je vous écris des lettres si courtes ; mais j’en suis si accablé que cela prend tout mon temps.

  1. L’ouvrage de d’Alembert, dont il a souvent été parlé.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.