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5988. — À M. ***[1].
À Ferney, 16 avril.

M. le marquis de Villette, monsieur, m’ayant appris qu’il était votre parent, et que vous étiez instruit de toutes ses affaires, j’ai cru que vous me pardonneriez la liberté que je prends de vous écrire sur sa situation présente. Il m’a inspiré un véritable intérêt à tout ce qui le regarde. Il est aimable, plein d’esprit ; je lui crois le cœur excellent, et j’ai vu avec une satisfaction bien sensible qu’il respecte et qu’il aime monsieur son père autant qu’il le doit. Il est fait pour être sa consolation. Plus il sent les fautes dans lesquelles il peut être tombé, plus il sent aussi la nécessité et le plaisir honnête de les réparer. La bonté de son caractère m’a enhardi quelquefois à observer avec lui combien les liaisons avec les jeunes gens du bel air sont souvent dangereuses, quel vide on trouve dans leur société, et que nos parents sont nos véritables amis.

C’est surtout la manière dont il m’a parlé de vous, monsieur, qui m’a déterminé à vous ouvrir mon cœur.

Il m’a fait l’honneur de regarder mon petit ermitage comme sa maison, et quand nous le perdrons, il nous laissera bien des regrets. Je prévois qu’avant de retournera Paris il passera quelque temps auprès de vous ; il en sera plus cher à monsieur son père, et méritera davantage son amitié. Ce sera vous, monsieur, à qui il devra cette réconciliation entière.

Je voudrais pouvoir l’accompagner quand il ira vous voir ; mon âge et les maladies dont je suis accablé me priveront probablement de cet avantage ; mais ils ne me laissent pas moins sensible à votre mérite et aux bontés que vous m’avez toujours témoignées. C’est surtout de ces bontés que j’attends quelque indulgence de vous pour cette lettre. Il ne m’appartient pas sans doute d’animer votre sensibilité pour M. de Villette ; permettez-moi seulement de joindre la mienne à la vôtre, et de vous renouveler tous les sentiments avec lesquels j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


5989. — À M. DAMILAVILLE.
16 avril.

Il est donc enfin décidé, mon cher frère, que le roi daignera donner un dédommagement à notre veuve[2]. Je vous assure qu’il

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Le roi accorda 36,000 livres à toute la famille ; voyez la lettre suivante.