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Je me doutais bien que la justification des Calas, prononcée d’une voix unanime par quarante juges du conseil, charmerait votre âme noble et sensible. On dit que les juges de Toulouse ne sont pas si charmés que vous. Ils se sont assemblés : ils ont voulu faire des remontrances. J’ignore s’ils oseront insulter ainsi à toute l’Europe, qui a leur arrêt en horreur. On attend cependant que le roi, plus équitable que ce parlement, honorera les Calas d’une pension. Les maîtres des requêtes, protecteurs de l’innocence, ont écrit, comme vous savez, à Sa Majesté pour recommander la famille à ses bontés. Le roi se fera adorer en accordant cette grâce.

Il y a des divisions à Genève ; mais il n’y a point de troubles. Pour notre maison, elle est toujours dans l’heureuse tranquillité où vous l’avez vue, et vous y êtes toujours également aimé, honoré, par tous ceux qui l’habitent.


5980. — À M.  MOULTOU[1].
7 avril 1765.

Mon cher philosophe, vous voilà dans votre patrie et votre beau climat.

Vous jouissez du plaisir de voir à votre aise M. de Saint-Priest, et moi, je n’ai eu la satisfaction de lui faire ma cour qu’un moment[2]. Je suis bien persuadé qu’il pense sur l’aventure des Calas comme tous les maîtres des requêtes qui ont réhabilité cette famille infortunée. J’attends tous les jours la nouvelle qui m’apprendra que le roi lui accorde une pension. C’était aux juges de Toulouse à la lui faire, mais celle du roi sera plus honorable, et j’ose dire qu’elle lésera autant au roi qu’aux Calas.

Après la douleur de vous avoir perdu, je n’en ai point de plus grande que celle de voir le bel ouvrage que vous aviez entrepris, différé. Vous n’aurez pas emporté vos livres en Languedoc, et je doute beaucoup que vous trouviez où vous êtes les matériaux dont vous avez besoin. Je suppose, pour ma consolation, que vous avec fait assez d’extraits pour être en état de travailler sans livres.

  1. Éditoin, A. Coquerel.
  2. Moultou était à Montpellier, où résidait l’intendant. — J. E. de Guignard, vicomte de Saint-Priest, intendant de Languedoc, ne s’était nullement montré favorable aux Calas ; cependant, par une politique aussi habile que bienveillante, il protégeait Paul Rabaut contre les rigueurs de Versailles. Voir ses lettres à Saint-florentin et au chancelier. (A. C.)