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j’ai détruit mon théâtre ; c’est pour avoir des chambres de plus à donner, et pour loger votre suite, si jamais vous accompagnez Mme  la comtesse d’Egmont sur les frontières d’Italie. Je me défais de mes Délices pour une autre raison : c’est qu’ayant la plus grande partie de mon bien sur M. le duc de Wurtemberg, et mes affaires n’étant pas absolument arrangées avec lui, j’ai craint de mourir de faim aussi bien que de vieillesse. Pardonnez, mon héros, la naïveté avec laquelle je prends la liberté de vous exposer toutes mes pauvres petites misères.

Je vous dirai toujours très-véritablement que je m’adressai à Grandval, que c’est à lui seul que j’écrivis[1], en vertu du privilège que vous m’aviez confirmé ; que je mis dans ma lettre ces propres mots : Avec l’approbation de messieurs les premiers gentilshommes de la chambre.

Je vous prie de considérer que je puis avoir besoin, avant ma mort, de faire un petit voyage à Paris pour mettre ordre aux affaires de ma famille ; que peut-être c’est un moyen d’exciter quelques bontés pour moi que de procurer quelques petits succès à mes anciennes sottises théâtrales, et que je ne peux obtenir ce succès qu’avec les meilleurs acteurs. Je me mets entièrement sous votre protection. On m’a mandé que Nanine avait été jouée détestablement, et reçue de même. Vous savez que tout dépend de la manière dont les pièces sont représentées, et vous ne voudriez pas m’avilir. Voyez donc si vous voulez me permettre de vous envoyer la distribution de mes rôles d’après la voix publique, qu’il faut toujours écouter. Ayez pitié d’un vieux quinze-vingt qui vous est attaché depuis cinquante années avec le plus tendre respect.


5928. — DE M.  D’ALEMBERT.
À Paris, ce 27 février.

Mon cher et illustre maître, je compte que nous aurons bientôt ici la Destruction, car frère Damilaville m’a dit, il y a plusieurs jours, que vous lui aviez mandé, il y avait aussi plusieurs jours, que tout était fini. Dieu veuille que cette Destruction puisse servir in ædificationem multorum ! Nous verrons ce que les pédants à grande et à petite queue en diront. Je m’attends à quelques hurlements de la part des seconds, et peut-être à quelques grincements de dents de la part des premiers ; mais je compte m’être si bien mis à couvert de leurs morsures que

  1. Cette lettre à Grandval est perdue : il en a déjà été parlé dans la lettre 5849.