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cette sottise en corrigeant l’épreuve à la hâte. On est bien heureux d’avoir des anges gardiens qui réparent si bien de pareilles fautes. Mais je jure encore, par les ailes de mes anges, que j’ai retrouvé parmi mes paperasses cette lettre[1] de 1750, écrite de la main du clerc qui griffonnait alors mes pensées ; je ne trompe jamais mes anges.

On m’a mandé qu’un honnête homme, qui a approfondi la matière du testament, et qui ne laisse rien échapper, a porté une sentence d’arbitre entre M. de Foncemagne et moi. On la dit sage, polie, instructive, et très-bien motivée[2].

Il paraît tous les mois sous mon nom, en Angleterre ou en Hollande, quelques livres édifiants. Ce n’est pas ma faute ; je ne dois m’en prendre qu’à ma réputation de bon chrétien, et mettre tout aux pieds du crucifix.

J’ai bien peur que maître Omer ne veuille me procurer la couronne du martyre. Ces Omer sont très-capables de joindre au Portatif la tragédie sainte de Saül et David, que le scélérat de Besongne, libraire de Rouen, a imprimée sous mon nom ; messieurs pourraient bien me décréter, et quoique je ne fasse cas que des décrets éternels de la Providence, cette aventure serait aussi embarrassante que désagréable. Je connais toute la mauvaise volonté des Omer ; je n’ai jamais été content d’aucun Fleury, pas même du cardinal, pas même du confesseur du roi, auteur de l’Histoire ecclésiastique ; je ne conçois pas comment il a pu faire de si excellents discours, et une histoire si puérile.

Au reste, je ne me porte pas assez bien pour me fâcher, et mes yeux sont dans un trop triste état pour que je revoie les roués. Je me sers d’une drogue qui me rendra ou qui m’ôtera la vue tout à fait ; je n’aime pas les partis mitoyens.

Mes chers anges, conservez-moi vos célestes bontés. Toute ma famille se prosterne à l’ombre de vos ailes.

On nous parle aussi d’une petite assignation de notre curé[3]. La robe de tous côtés me persécute ; mais je ne m’épouvante de rien. Je trouve que plus on est vieux, plus ou doit être hardi. Je suis du sentiment du vieux Renaud[4], qui disait qu’il n’appartenait qu’aux gens de quatre-vingts ans de conspirer.

  1. C’est le passage guillemeté tome XXV, pages 277-281.
  2. L’Arbitrage entre M. de Voltaire et M. de Foncemagne est de Voltaire lui-même : voyez tome XXV, page 321.
  3. Le curé avec qui il était en procès pour les dîmes.
  4. Probablement Nicolas de Renault, dont il est parlé dans la Conjuration contre Venise.