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ce que je lui dois. Vous avez dû recevoir de moi un petit mot[1] concernant le Portatif, qu’on m’imputait. Je sais combien vous êtes persuadé que les gens de lettres se doivent des secours mutuels. J’ai toujours pris hautement le parti de ceux qui étaient attaqués par l’envie, par l’imposture, et même par l’autorité. Si les véritables gens de lettres étaient unis, ils donneraient des lois à tous les êtres qui veulent penser. Si vous voyez M. Helvétius, je vous prie de lui dire combien je suis fâché qu’il n’ait pas fait le voyage de Genève. Je redeviens toujours aveugle dès que les neiges tombent sur nos montagnes. Mon cœur vous dit combien il vous est attaché ; mon esprit, combien il vous estime ; mais ma main ne peut l’écrire.


5810. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
2 novembre.

Les neiges sont sur nos montagnes, et me voilà redevenu aveugle ; Dieu soit béni !

Mon divin ange me parle de Mlle Doligny[2] et de Mlle Luzy[3] ; je le supplie de mander quels rôles il faut donner à l’une et à l’autre ; j’exécuterai vos ordres sur-le-champ. En attendant, elles peuvent apprendre ceux que vous leur destinez.

M. le maréchal de Richelieu aura peut-être oublié qu’il m’a écrit que je pouvais disposer de tous ces rôles ; mais heureusement j’ai sa lettre, ainsi que j’ai des preuves convaincantes que le Testament politique n’est point du cardinal de Richelieu. Je brave monsieur le maréchal, et Mme la duchesse d’Aiguillon, et M. de Foncemagne, et le dépôt des affaires étrangères. Je leur réponds à tous[4], et vous croyez bien que ce n’est pas pour leur dire des choses qui leur déplaisent. Ma réponse est bien respectueuse, bien flatteuse, mais, à mon gré, bien curieuse. J’espère qu’elle vous amusera, et que M. le duc de Praslin n’en sera pas mécontent. J’y dis un petit mot sur les livres qu’on impute à de pauvres innocents[5].

Au reste, mon cher ange, je n’ai point prétendu que M. le

  1. Lettre 5800.
  2. Mlle Doligny, née le 30 octobre 1746, débuta le 3 mai 1763, et se retira en 1783. Elle avait épousé Dudoyer, auteur du Vindicatif, et est morte en 1823.
  3. Mlle Luzy débuta le 26 mai 1763, et se retira en 1781.
  4. Voyez Doutes nouveaux sur le Testament, attribué au cardinal de Richelieu tome XXV, page 277.
  5. Voyez tome XXV, page 305.