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petit prieuré dans le voisinage de Ferney, et qui a tous les vices d’un fréronien et d’un prieur ; ce petit monstre, dis-je, est celui qui a eu la charité de se rendre mon dénonciateur.

Il faut que vous sachiez que ce polisson vint, l’année passée, prendre possession de son prieuré dans une grange, en se disant de la maison d’Étrée, promettant sa protection à tout le monde, et se faisant donner des fêtes par tous les gentilshommes du pays. Je n’eus pas l’honneur de lui aller faire ma cour ; il m’écrivit que j’étais son vassal pour un pré qui relevait de lui ; que mes gens étaient allés chasser une fouine auprès de sa grange épiscopale ; qu’il voulait bien me donner à moi personnellement permission de chasser sur ses terres, mais qu’il procéderait, par voie d’excommunication, contre mes gens qui tueraient des fouines sur les siennes.

Comme je suis fort négligent, je ne lui fis point de réponse. Il jura qu’il s’en vengerait devant Dieu et devant les hommes, et il clabaude aujourd’hui contre moi chez monsieur l’évêque d’Orléans[1] et chez monsieur le procureur général. Un fripon armé des armes de la calomnie et de la vraisemblance peut faire beaucoup de mal.

On m’impute le Portatif, parce qu’en effet il y a quelques articles que j’avais destinés autrefois à l’Encyclopédie, comme Amour, Amour-propre, Amour socratique, Amitié, etc. ; mais il est démontré que le reste n’en est pas. J’ai heureusement obtenu qu’on remît entre mes mains l’article Messie, écrit tout entier de la main de l’auteur. Je ne vois pas ce qu’on peut répondre à une preuve aussi évidente. Tout le reste est pris de plusieurs auteurs connus de tous les savants.

En un mot, je n’ai nulle part à cette édition, je n’ai envoyé le livre à personne, je n’ai d’autres imprimeurs que les Cramer, qui certainement n’ont point imprimé cet ouvrage. Le roi est trop juste et trop bon pour me condamner sur des calomnies aussi frivoles, qui renaissent tous les jours, et pour vouloir accabler, sur une accusation aussi vague et aussi fausse, un vieillard chargé d’infirmités.

Je finis, mon cher ange, parce que cette idée m’attriste ; et je ne veux songer qu’à vos bontés, qui me rendent ma gaieté.

N. Non, je ne finis pas. Le roi a chargé quelqu’un d’examiner le livre, et de lui en rendre compte ; c’est ou le président Hénault, ou M. d’Aguesseau. Je soupçonne que l’illustre abbé d’Étrée a

  1. L.-S. de Jarente ; voyez la note, tome XL, page 452.