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naire philosophique dans votre ville ? au moins Dubut enverrait un errata. Il dit qu’il s’est glissé des fautes intolérables dans l’édition qui se débite. Il serait mieux qu’on n’imprimât pas ce livre ; mais si on s’obstine à en faire une seconde édition, Dubut souhaite qu’elle soit correcte. Il implore votre médiation, et je me joins à lui.

Le marquis d’Argens vient d’imprimer à Berlin le Discours de l’empereur Julien contre les Galilèens[1], discours à la vérité un peu faible, mais beaucoup plus faiblement réfuté par saint Cyrille.

Vous voyez qu’on ose dire aujourd’hui bien des choses auxquelles on n’aurait osé penser il y a trente années. Des amis du genre humain font aujourd’hui des efforts de tous côtés pour inspirer aux hommes la tolérance, tandis qu’à Toulouse on roue un homme pour plaire à Dieu, qu’on brûle des Juifs en Portugal, et qu’on persécute en France des philosophes.

Adieu, monsieur ; n’aurai-je donc jamais le plaisir de vous revoir ? Je vous avertis que, si vous ne venez point à Ferney, je me traînerai à Lyon avec toute ma famille. Je vous embrasse en philosophe, sans cérémonie, et de bon cœur.


5782. — À M.  DAMILAVILLE.
8 octobre.

Cher frère, vous me ravissez. Comment pouvez-vous écrire des lettres de quatre pages, étant malade et chargé d’affaires ? Moi, qui ne suis chargé de rien, j’ai bien de la peine à écrire un petit mot. Je deviens aussi paresseux que frère Thieriot ; mais je ne change pas de patron[2] comme lui. Apparemment qu’il sert la messe de son archevêque. Pour moi, qui ne la sers ni ne l’entends, je suis toujours fidèle aux philosophes.

J’espère que le petit recueil fait par M. Dubut ne fera de tort ni à la philosophie ni à moi. Je voudrais que chacun de nos frères lançât tous les ans les flèches de son carquois contre le monstre, sans qu’on sût de quelle main les coups partent. Pourquoi faut-il que l’on nomme les gens ? Il s’agit de blesser ce monstre, et non pas de savoir le nom de ceux qui l’ont blessé.

  1. Voyez tome XXV, page 178 ; et XXVIII, 1.
  2. Thieriot était allé successivement demeurer et s’établir chez Mme de Fontaine-Martel (voyez tome XXXIII, page 243, chez le comte de Montmorency, chez le marquis de Paulmy (voyez tome XL, page 31), et chez le médecin Baron (voyez tome XL, page 505).