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5759. — À DE MADAME LA MARQUISE DU DEFFANT[1].
Paris, 10 septembre 1764.

M. d’Argenson arriva ici le 12 de juillet, à demi mort, une fièvre lente, la poitrine affectée ; son état empirait tous les jours, mais insensiblement : le 22 du mois dernier, on s’aperçut qu’il était à l’extrémité : on envoya chercher le curé, qui resta avec lui jusqu’à cinq heures du soir qu’il mourut. De toutes les pratiques accoutumées, il ne fut question que de l’extrême-onction ; on n’a pu savoir ce qu’il pensait, n’ayant point parlé ; ainsi on en peut porter tel jugement que l’on voudra. Le président de Montesquieu fit tout ce qu’on a coutume de faire, et dit tout ce qu’on voulut lui faire dire. Je trouve que la manière dont on meurt ne prouve pas grand’chose, et ne peut être une autorité ni pour ni contre ; un tour d’imagination en décide, et bien sot est celui qui se contraint dans ses derniers moments. N’écrivez-vous point au président ? M. d’Argenson lui a laissé un manuscrit des lettres de Henri IV ; il a reçu des compliments de tout le monde.

Vous n’aurez que cela de moi aujourd’hui ; un autre jour nous philosopherons.


5760. — M.  LE MARQUIS ALBERGATI CAPACELLI.
12 septembre.

Je ne vois pas trop, monsieur, quel rapport ce pauvre Algarotti avait avec Ovide, sinon qu’ils avaient tous deux un grand nez. M. N…, qui a, je crois, tous ses papiers, peut donner un beau démenti à la dame dont vous me parlez. Il faut en effet que cette dame soit un peu méchante : j’ajouterais même, si j’osais, un peu folle. À propos de dame, je suis bien étonné que vous n’en ayez pas pour jouer la comédie. Comment peut-on s’en passer, et qui peut les remplacer ? Nous en avons, nous autres, et d’excellentes, en comique et en tragique. Sans les femmes, point de plaisir en aucun genre : j’en parle en homme très-désintéressé : car à soixante et onze ans on n’est pas soupçonné d’être subjugué par elles. Je ne connais que l’amitié, et vous m’en faites éprouver le charme.


5761. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
12 septembre.

Anges conjurés, protecteurs des roués, j’ai fait lire, sans tarder, votre lettre du 3 de septembre au petit frère ex-jésuite ; je

  1. Correspondance complète, édition Lescure, 1765.