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vous voir usant de vos deux jambes. Mme  Denis vous dit les mêmes choses, et j’y ajoute mon sincère respect.


5741. — À M.  PALISSOT.
11 auguste.

Si Paul avait été toujours brouillé avec Pierre et Barnabé, dont il parla si cavalièrement[1], vous m’avouerez, monsieur, que notre sainte religion aurait couru grand risque. La philosophie se trouvera fort mal de la guerre civile. J’ai toujours souhaité, comme vous savez, que les gens qui pensent bien se réunissent contre les sots et les fripons. Je voudrais de tout mon cœur vous raccommoder avec certaines personnes ; mais je crois que je n’y parviendrai que quand j’aurai regagné les bonnes grâces de Fréron et des Pompignan.

N’est-ce pas Hobbes qui a dit que l’homme était né dans un état de guerre ? Je suis fâché que cet Hobbes ait raison. On m’a fait voir je ne sais quel poëme de l’abbé Trithème, intitulé la Pucelle ; il y a un chant[2] où tout le monde est fou ; chacun des acteurs donne et reçoit cent coups de poing. Voilà l’image de ce monde. Je conclus avec Candide qu’il faut cultiver son jardin. En voilà trop pour un pauvre malade.


5742. — À MADAME LA COMTESSE D’ARGENTAL.
13 auguste.

Votre ami M. Tiepolo[3], madame, est arrivé très-malade. J’ai envoyé tous les jours chez lui. Je lui ai mandé que j’étais à ses ordres. Je n’ai pu aller le voir ; et voici mes raisons. J’ai prêté les Délices à MM. les ducs de Bandan et de Lorges. M. le prince Camille arrive ; Mme  la présidente de Gourgues et Mme  la marquise de Jaucourt sont à Genève : c’est une procession qui ne finit point. Je suis à deux lieues de cette ville. Si je faisais une visite, il faudrait que j’en fisse cent ; ma santé ne me le permet pas. Je passerais ma vie à courir, je perdrais tout mon temps, et je ne veux pas en perdre un instant. Les tristes assujettissements auxquels mes maladies continuelles me condamnent me forcent à la vie sédentaire. Tout ce que je puis faire, c’est de bien recevoir

  1. Saint Paul aux Galates, ii, 14.
  2. Le chant XVII.
  3. Voyez page 294.