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sophe. J’ai toujours rendu justice à vos talents ; j’ai toujours souhaité que vous ne prissiez les armes que contre nos ennemis. Je ne peux, il est vrai, vous pardonner d’avoir attaqué mes amis, mais je vous remercie de tout mon cœur des ailes à l’envers que vous avez données à Martin Fréron[1]. Vous voyez que je suis l’homme du monde le plus juste.

Permettez à un pauvre aveugle de supprimer les cérémonies.


5729. — À M. COLINI.
Ferney, 1er auguste.

Vous devriez engager monseigneur l’électeur à faire venir un livre intitulé les Contes de Guillaume Vadé. On dit qu’il y a des choses assez plaisantes, et qu’il est beaucoup question de Fréron dans cet ouvrage. Réjouissez-vous tant que vous pourrez, et aimez-moi toujours un peu.


5730. — À M. LE DOCTEUR TRONCHIN[2]
Lundi, à quatre heures.

Mon cher Esculape, il faut que vous ayez le diable au corps d’imaginer que, dans l’état où je suis, je puisse faire le baladin. Je suis dans mon lit fort malade ; il y a longtemps que je vous le dis. Je me prive depuis quinze jours du plaisir tumultueux d’être à table en grande compagnie ; je n’oppose à mes maux que du régime ; mais il n’a pas encore été peut-être assez sévère ; il le sera, et vous êtes trop éclairé pour me conseiller autre chose. Je tâcherai d’être un petit Cornaro[3]. Je vous conjure de dire à M. Tiepolo que ma première sortie sera pour lui.

Vos Hollandais, vos Bordelais, peuvent venir admirer Mme Denis demain, entre quatre et cinq. Mais où souperont-ils ? où coucheront-ils ? Je n’en sais rien. Les acteurs s’en vont aux Délices avec M. le duc de Bandan, après la comédie. Moi, je reste au lit et je ferme ma porte. Je trouve très-bon que les autres aient du plaisir quand je ne peux en avoir.

Je vous embrasse tendrement, mon très-cher Esculape.

  1. Dans le chant III (aujourd’hui le IXe) de la Dunciade.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.
  3. Centenaire.