Sûrement, par le temps qu’il fait, madame l’ange n’a plus de rhumatisme.
Je ne me console point de voir que ceux qui devraient combattre les uns pour les autres, sous le même drapeau, soient ou des poltrons, ou des déserteurs, ou des ennemis. La folie de Rousseau m’afflige. Est-il vrai que c’est à Duclos[1] qu’il écrivait cette indigne lettre dans laquelle il disait que j’étais le plus violent et le plus adroit de ses persécuteurs ? Y eut-il jamais une démence plus absurde ? Moi, persécuter l’auteur du Vicaire savoyard ! moi, persécuter quelqu’un : J’ai toujours sur le cœur cette étrange calomnie. Faut-il, mon cher frère, qu’on ait à la fois les fidèles et les infidèles à combattre, et qu’on passe pour un persécuteur tandis qu’on est soi-même persécuté ! Tout cela fait saigner le cœur : l’amitié seule d’un philosophe peut guérir ces blessures.
J’attends toujours une occasion pour vous envoyer un petit paquet pour vous et pour vos intimes. Dieu nous garde de jeter le pain de Dieu aux chiens[2] !
Si la lettre de M. Panckoucke m’a fait rire[3], celle de M. Élie de Beaumont m’afflige. Est-il possible qu’on perde un tel procès[4], qu’on ne soit pas le fils de son père, parce que ce père a fait un voyage en Suisse ! Qu’on dise à présent que les Français ne sont pas des Welches !
Embrassez, je vous prie, pour moi M. et Mme Élie. Leur imagination est comme le char de leur patron, elle est toute brillante ; mais leur patron ne les valait pas.
Je vous embrasse tendrement, mon cher frère.
P. S. Frère Thieriot est donc à présent attaché à un archevêque, et le voilà devenu grand vicaire de Cambrai. Il a passé sa vie dans des attachements qui ne lui ont pas réussi ; il aurait été heureux s’il avait su qu’un ami vaut mieux que vingt protecteurs auxquels on se donne successivement.