Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome43.djvu/260

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

S’il fait d’aussi grandes chaleurs à Paris que dans ma grande vallée entre les Alpes, la glace de nos roués sera de saison. Le temps n’est pas trop favorable pour une pièce nouvelle ; mais vous savez que vous êtes les maîtres de tout. Je conseille toujours aux acteurs de s’habiller de gaze. L’ex-jésuite qui m’est venu voir, comme vous savez, m’a prié de vous engager à faire une correction importante ; c’est de mettre je me meurs, au lieu de je succombe. Je lui ai dit que l’un était aussi plat que l’autre, et que tout cela était très-indifférent. C’est au second acte[1]. C’est Julie qui parle à Fulvie :

À peine devant vous je puis me reconnaître.
Je me meurs.

Ce je me meurs est en effet plus supportable que je succombe, et sert mieux la déclamation. De plus, il y a un autre succombe dans la même scène, et il ne faut pas succomber deux fois. L’auteur pourra bien succomber lui-même, mais j’espère qu’on n’en saura rien.

Vraiment, mes anges, il faut confier à beaucoup de bavards que je fais Pierre le Cruel, et qu’il sera prêt pour le commencement de l’hiver ; rien ne sera plus propre à dérouter les curieux qui parlent des roués, et qui les attribuent déjà à Helvétius, à Saurin. Il faut les empêcher de venir jusqu’à nous.

Dites-moi un mot, je vous prie, de ces roués, et recommandez bien au fidèle Lekain d’empêcher qu’on n’étrique l’étoffe, qu’on ne la coupe, qu’on ne la recouse avec des vers welches ; il en résulte des choses abominables. Un Gui Duchesne achète le manuscrit mutilé, écrit à la diable ; et l’on est déshonoré dans la postérité, si postérité y a ; cela dessèche le sang, et abrège les jours d’un pauvre homme. Quoi qu’il en soit, je baise le bout de vos ailes avec respect et tendresse.


5685. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC[2].
Aux Délices, 22 juin.

Le philosophe indien attendra Pythagore à Ferney, où il sera le 25 ou le 26 du mois où nous sommes, et il tâchera de ne lui pas faire la chère des Pythagoriciens. Mon cher disciple, puisque

  1. Scène iv ; voyez tome VI, page 203.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.