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5682. — À M.  LE MARQUIS ALBERGATI CAPACELLI.
Aux Délices, 20 juin.

Par ma foi, monsieur, je crois que j’irai bientôt retrouver Francesco Algarotti[1]. Sa conversation était fort agréable : je m’entretiendrai de vous avec lui ; ce sera ma consolation ; mais je ne me ferai point dresser de monument de marbre, quoiqu’il y ait en Suisse d’assez beau marbre et un assez bon sculpteur. Je trouve que les mausolées ne doivent être érigés que par les héritiers. Je suis affligé de sa perte ; il avait du mérite, et c’était un des meilleurs infarinati que nous eussions, Notre Goldoni ne passera pas sitôt par notre petit ermitage ; il me paraît qu’il restera longtemps à Paris.

Je vois, monsieur, par votre lettre, que vous donnez les plus belles fêtes d’Italie. On peut faire ailleurs des courses de chevaux ; mais vous courez sur le cheval Pégase ; vous donnez des plaisirs à l’esprit, tandis que d’autres en donnent aux yeux. Mes yeux ne sont plus guère capables d’avoir du plaisir : mon âme a un plaisir bien sensible à être aimée de la vôtre. Agréez, monsieur, les assurances de mon respectueux attachement.


5683. — À M.  D’AQUIN DE CHATEAU-LYON[2].
Aux Délices, 22 juin.

S’il vous était permis, monsieur, de rendre votre Avant-Coureur aussi agréable que vos lettres, il ferait une grande fortune. Je vous supplie de continuer. J’aurai le plaisir d’avoir de vous ce que vous faites de mieux. Vous me contez très-plaisamment des anecdotes fort plaisantes. Ne vous lassez pas, je vous prie : songez que je suis malade. Vous êtes médecin, autant qu’il m’en souvient. Vos lettres sont pour moi une excellente recette.

Je n’ai point lu cette lettre de Jean-Jacques[3] dont vous me parlez. Moi, persécuteur ! moi, violent persécuteur ! C’est Jeannot

  1. Mort le 3 mars 1764.
  2. Pierre-Louis d’Aquin de Château-Lyon, né vers 1720, mort vers 1797, était bachelier en médecine et l’un des auteurs de l’Avant-Coureur, journal dont il est parlé tome XL, page 500.
  3. C’est la lettre de J.-J. Rousseau, du 28 mai 1764, où il appelle Voltaire le plus ardent, le plus adroit de mes persécuteurs.