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suis à leurs ordres, et je me mets à l’ombre de leurs ailes avec respect et tendresse.


5640. — À. M. BERTRAND.
Aux Délices, 7 mai.

Je me flatte, mon cher philosophe, que vous avez reçu, ou que vous recevrez bientôt, un petit présent de l’électeur palatin au-dessus du prix du cabinet d’histoire naturelle ; ce sera le pot-de-vin du marché. Je voudrais que vous eussiez une fortune égale à votre mérite. Je crois qu’on est à présent un peu occupé à Berne de la situation des affaires de Lucerne. Non-seulement les Bernois rendent leurs sujets heureux, mais ils veulent aussi le bonheur de leurs voisins. Ce sont là de ces occasions où M. de Freudenreich ne s’épargne pas. Je vous prie de lui présenter mes respects, aussi bien qu’à madame. Conservez-moi votre amitié, et comptez sur les sentiments qui m’attachent à vous pour jamais. V.


5641. — À M. D’ALEMBERT.
Aux Délices, 8 mai.

Les uns me disent, mon cher philosophe, qu’il y aura un lit de justice ; les autres, qu’il n’y en aura point, et cela m’est fort égal. Quelques-uns ajoutent qu’on fera passer en loi fondamentale du royaume l’expulsion des jésuites, et cela est fort plaisant. On parle d’emprunts publics, et je ne prêterai pas un sou ; mais je vous parlerai de vous et de Corneille. On me trouve un peu insolent, et je pense que vous me trouvez bien discret : car, entre nous, je n’ai pas relevé la cinquième partie des fautes ; il ne faut pas découvrir la turpitude de son père[1]. Je crois en avoir dit assez pour être utile ; si j’en avais dit davantage, j’aurais passé pour un méchant homme. Quoi qu’il en soit, j’ai marié deux filles[2] pour avoir critiqué des vers ; Scaliger et Saumaise n’en ont pas tant fait.

Avez-vous regretté Mme de Pompadour ? Oui sans doute, car dans le fond de son cœur elle était des nôtres ; elle protégeait les lettres autant qu’elle le pouvait : voilà un beau rêve de fini. On

  1. Lévitique, xviii, 7, 8.
  2. Mlle Corneille et sa belle-sœur, Mlle Dupuits.