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5616. — À M.  DAMILAVILLE.
12 avril.

Mon cher frère, c’est un ex-jésuite[1], archifanatique et archifripon, qui a fait le mandement de l’archevêque gascon, archi-imbécile. On dit que l’archi-bourreau de Toulouse l’a brûlé au haut ou au bas de l’escalier des plaids. Je ne sais si vous vous souvenez d’un chant de la Pucelle dans lequel tous les personnages deviennent fous[2], et où chacun donne sur les oreilles à son voisin, qui le lui rend du plus grand cœur ; de sorte que tous combattent contre tous, sans savoir pourquoi. Voilà bien l’image de tout ce qui se passe aujourd’hui. Il faut que les honnêtes gens profitent de la guerre que se font les méchants. La seule chose qui m’afflige, c’est l’inaction des frères. C’est une chose déplorable que l’auteur de la Gazette ecclésiastique puisse imprimer toutes les semaines les sottises qu’il veut, et que les frères ne puissent donner une fois par an un bon ouvrage, qui achèverait d’extirper le fanatisme. Les frères ne s’entendent point, ne s’ameutent point, n’ont point de ralliement ; ils sont isolés, dispersés ; ils se contentent de dire à souper ce qu’ils pensent, quand ils se rencontrent. Si Dieu avait permis que frère Platon, vous, et moi, eussions vécu ensemble, nous n’aurions pas été inutiles au monde. Mon cœur est desséché quand je songe qu’il y a dans Paris une foule de gens qui pensent comme nous, et qu’aucun d’eux ne sert la cause commune. Il faudra donc finir, comme Candide, par cultiver son jardin.

Puisse seulement notre petit troupeau demeurer fidèle ! Adieu, mon cher frère, Écr, l’inf…


5617. — À M.  MARMONTEL.
Aux Délices, 12 avril.

On a fait bien de l’honneur, mon cher confrère, aux ouvrages de Simon Lefranc, en les faisant servir à envelopper du tabac. Je connais des citoyens de Montauban qui ont employé les vers et la prose de ce grand homme à un usage qui n’est pas celui du nez. Ce qu’il y a de bien bon, c’est que lorsque maître Simon

  1. Patouillet, tome XXVI, page 155.
  2. Chant XVII.