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révolution des jésuites est bien moins étonnante et moins grande.

Mon frère, écr. l’inf…


5388. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
11 mars.

C’est donc demain[1], mes anges, que vous prétendez qu’on fera le service d’Olympie dans le couvent d’Éphèse. Je doute fort que vous ayez un acteur digne d’officier et de jouer le rôle de l’hiérophante. J’ai représenté ce personnage, moi qui vous parle ; j’avais une grande barbe blanche, avec une mitre de deux pieds de haut, et un manteau beaucoup plus beau que celui d’Aaron. Mais quelle onction était dans mes paroles ! je faisais pleurer les petits garçons. Mais votre Brizard est un prêtre à la glace ; il n’attendrira personne. Je n’ai jamais conçu comment l’on peut être froid ; cela me passe. Quiconque n’est pas animé est indigne de vivre ; je le compte au rang des morts.

Je n’entends point parler de votre Gazette littéraire ; j’ai peur quelle n’étrenne pas. Si elle est sage, elle est perdue ; si elle est maligne, elle est odieuse. Voilà les deux écueils ; et tant que Fréron amusera les oisifs par ses méchancetés hebdomadaires, on négligera les autres ouvrages périodiques qui ne seront qu’utiles et raisonnables. Voilà comme le monde est fait, et j’en suis fâché. Mais le plus grand de mes malheurs est de n’avoir jamais pu parvenir à lire le mandement de Christophe, ni celui du doux Caveyrac, dont la grosse face a, dit-on, été piloriée en effigie[2].

Vous avez reçu sans doute, mes divins anges, un bel arrêt du conseil, imprimé, que je vous ai envoyé pour mettre M. le duc de Praslin à son aise.

Voici une grande nouvelle : on m’assure qu’on a vu frère Berthier avec un autre frère, ce matin, allant par la route de Genève à Soleure. Si j’en avais été informé plus tôt, je les aurais priés à dîner.

Vous êtes heureux, mes anges, vous vivez au milieu des facéties ; mais vous gardez votre bonheur pour vous, et vous ne m’en parlez jamais. Vous me parlez de Grandval plus que de Christophe ; vous oubliez les autres comédies pour celles du

  1. Olympie fut jouée à Paris le 17 (et non le 12) mars 1763.
  2. La condamnation de Caveyrac par le Châtelet est du 23 février 1763 ; voyez les notes, tome XXV, page 6 ; et XXVI, 125.