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5581. — À M. MOULTOU[1].
2 mars 1764.

Vraiment, monsieur, je ne savais pas qu’à l’heure de midi[2], etc., on eût brûlé vingt-sept volumes en public, etc. Les hommes sont bien sots, bien fous, et quelquefois bien fripons.

L’erreur que vous avez découverte mérite d’être relevée, et vous pourrez aisément en parler dans la belle histoire des premiers siècles que vous préparez.

Le passage d’Athenagoras prouve formellement que les empereurs romains n’avaient point été persécuteurs[3]. Les vrais persécuteurs ont été chez nous. Il fallait que les chrétiens donnassent une bien mauvaise idée d’eux, pour qu’on les accusât d’être anthropophages. Pour moi, je vous avoue que j’aimerais mieux qu’ils eussent mangé autrefois un ou deux petits garçons que de faire brûler tant d’innocents et de se rendre coupables des massacres des Albigeois, de Mérindol et de Cabrières, de la Saint-Barthélémy et de tant d’autres horreurs. Cette abomination nous est particulière. Il faut que notre religion soit bien vraie, puisqu’on n’a jamais craint de lui nuire en la prêchant ainsi.

Mettez-moi, monsieur, je vous en conjure, aux pieds de Mme la duchesse d’Enville. Je lui suis respectueusement attaché pour le reste de ma vie. Je n’avais pas imaginé que ces rogatons dont vous me parlez pussent l’amuser ; mais puisqu’elle daigne descendre à ces bagatelles, on aura l’honneur de lui en envoyer.

Adieu, monsieur ; je regarde comme la consolation de ma vie l’amitié d’un homme tel que vous. Comptez de ma part sur un attachement égal à ma respectueuse estime.


5582. — À MADAME D’ÉPINAI.
À Ferney, 2 mars.

En vous remerciant, madame, de la bonté que vous avez d’informer des gens de l’autre monde du bel établissement que vous faites dans celui-ci[4]. Vous serez toujours ma belle philosophe,

  1. Éditeur, A. Coquerel.
  2. L’heure de midi était celle des exécutions de ce genre.
  3. On sait que rien n’est moins exact ; peu importe, au reste, que la persécution ait ou non un prétexte politique. (Note du premier éditeur.)
  4. Mme d’Épinai mariait sa fille.