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mais il y a des gens bien malins à Paris. La fin de Fanime, déchirante, tragique ; son père l’amadoue :


· · · · · · · · · · ô mon père !
J’en-suis indigne[1],


avec un éclat de voix douloureux, et elle se tue. Bravo. Mais le poignard d’Énide et le poignard de Fanime, ces deux poignards me tuent. Que faire donc ? donner Tancrède au mois de décembre, l’imprimer en janvier, et rire ; ensuite nous verrons. Vous aurez de mes nouvelles ; vous ne mourrez pas de faim.

C’est assez parler Voltaire, parlons Corneille. Je suis bien fâché que cette demoiselle ne descende pas en droite ligne du père de Cinna ; mais son nom suffit, et la chose paraît décente. Vous avez vu cette demoiselle, mes divins anges ; c’est à vous qu’on s’adresse quand Voltaire est sur le tapis. Connaissez-vous un Le Brun, un secrétaire de M. le prince de Conti ? C’est lui qui m’a encorneillé ; il m’a adressé une Ode au nom de Pierre. C’est à lui que j’ai dit : Envoyez-la-moi ; qu’on paye son voyage, qu’on l’adresse à M. Tronchin, à Lyon, etc. Mais il vaudrait bien mieux que ce fût Mme d’Argental qui daignât arranger les choses : cela serait plus honorable pour Pierre, pour Mlle Corneille, et pour moi ; mais je n’ai pas le front d’abuser à ce point des bontés dont on m’honore. Cependant, je le répète, il convient que Mme d’Argental soit la protectrice. Tout ce qu’elle fera sera bien fait. Nul trousseau pour ce mariage. Mme Denis lui fera faire habits et linge. Nous lui donnerons des maîtres, et dans six mois elle jouera Chimène.

Je suis à vos pieds, divins anges.


4349. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC.
27 novembre.

Monsieur, le philosophe des Alpes, et sa nièce, et tout ce qui a eu l’honneur de vous voir, vous regrettent. Il nous est venu des philosophes depuis vous, mais aucun ne vous fera jamais oublier. Jugez combien Lucrèce est beau en latin, puisqu’il vous fait tant de plaisir dans un si mauvais français ; et jugez du peu que nous valons, nous autres modernes, puisque aucun Français n’a osé dire la dixième partie de ce que Lucrèce disait aux Romains sans témérité et sans crainte. On se plaint des fermiers généraux et

  1. Zulime, acte V, scène dernière.