Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À propos d’Académie, ne voudriez-vous pas avoir la bonté de lui donner mon portrait ? Qu’importe qu’il soit mal ou bien ? je n’irai pas me faire peindre à soixante et sept ans. Il s’agit seulement que Fréron ne soit pas en droit de dire qu’on n’a pas voulu de moi à l’Académie, même en peinture. À propos d’Académie encore, il y a M.  Lemierre, grand remporteur de prix, et auteur d’Hypermnestre, à qui je devais une lettre. J’ignorais son gîte. Je pris la liberté de vous adresser ma lettre. Je n’ai point lu son Hypermnestre sans plaisir. Pour le Colardeau, je ne le connais pas ; on dit qu’il fait de très-beaux vers ; il occupera longtemps Mlle  Clairon. Est-il vrai qu’elle arrive, sur le théâtre, violé ? C’est dommage que cette action théâtrale ne se soit pas passée sur la scène : cela est plus plaisant qu’un échafaud. J’ai donc du temps pour me raccommoder avec Mlle  Clairon ; elle daignera donc ne point écourter mon malheureux second acte. Elle est accoutumée à couper bras et jambes aux pièces nouvelles, pour les faire aller plus vite. Bientôt les tragédies consisteront en mines et en postures.


Souvent l’excès d’un mal nous conduit dans un pire.

(Boileau, l’Art. poét., ch. I, v. 64.)

Et Luc, Luc, quel diable d’homme ! Voilà donc comme je serai trop vengé.

On parle encore de deux ou trois petits massacres, mais je n’en veux rien croire.

Mille tendres respects.


4347. — À M.  GABRIEL CRAMER[1].

Je ne crois pas qu’il soit convenable d’imprimer actuellement des Tancrède pour Paris. Comme j’ai fait présent du privilège de l’édition parisienne à Mlle  Clairon et à Lekain, leur libraire serait en droit de crier. Je pense donc qu’il faut n’en tirer que le nombre d’exemplaires que M.  Cramer peut débiter en Suisse, en Allemagne, et dans la province.

Lorsqu’on aura débité le dix-huitième volume des Œuvres complètes, on en donnera un dix-neuvième au bout de six mois. Ce dix-neuvième contiendra Tancrède, Zulime, et deux autres pièces, avec quelques petits chapitres assez intéressants.

Voilà, mon cher ami, quelle est ma sage résolution.

  1. Éditeurs, Bavoux et François.