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prise d’élever un monument au fondateur de votre empire et de votre gloire. Je vous ai témoigné mon zèle ; j’ai insisté sur la nécessité où vous êtes aujourd’hui d’achever promptement la seconde aile de votre édifice.

Je ne vous ai point dit combien les ennemis de votre nation sont fâchés contre moi : c’est encore une raison de plus qui redouble mon zèle pour la gloire de votre pays, et qui me rend la mémoire de Pierre le Grand plus précieuse. Me voilà naturalisé Russe, et votre auguste impératrice sera obligée, en conscience, de m’envoyer une sauvegarde contre les Prussiens.

Je voudrais savoir surtout si la digne fille de Pierre le Grand est contente de la statue de son père, taillée aux Délices par un ciseau que vous avez conduit.

Je vous fais encore mes compliments sur l’exemple de l’ordre, de l’observation du droit des gens, et de toutes les vertus civiles et militaires, que vos compatriotes ont donné à la prise de Berlin.


4335. — À MADAME LA COMTESSE D’ARGENTAL.
15 novembre.

Je reçois, madame, toutes vos bontés du 7 novembre, tous les témoignages de votre attention angélique, de votre goût, de votre zèle inaltérable pour Tancrède. Je n’ai qu’un moment pour y répondre ; il est une heure trois quarts, la poste part à deux heures. Que vais-je devenir ? Prault m’écrit qu’on imprime partout Tancrède défiguré, qu’il va le défigurer aussi. Mes anges peuvent-ils parer à ce coup funeste ? Je vais être déshonoré ; Mme de Pompadour croira que je me suis moqué d’elle. Ne me reste-t-il qu’un parti, celui de faire vite imprimer à Genève, et d’envoyer la pièce imprimée par la poste, en désavouant l’édition de Prault ? J’aurai l’honneur d’écrire#1 le 17 à mes anges ce que j’aurai pensé à tête reposée. Mon cœur, qui va plus vite que ma tête, vous écrit lui tout seul ; il est pénétré pour vous de la plus tendre et la plus respectueuse reconnaissance.[1]

  1. Si cette lettre fut écrite, elle a échappé aux recherches de nos prédécesseurs.