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La raison en est que celui qui vient combattre pour Aménaïde est étranger ; je prie qu’on mette :


Solamir, et Tancrède, et la cour de Byzance,
Sont également craints, et sont tous odieux[1].


Le reste me semble bien exposé, bien filé. Je demande instamment qu’on n’ait pas la barbarie de m’ôter,


Ainsi l’ordonne, hélas ! la loi de l’hyménée.

(Acte II, scène iv.)

Il faut regarder Aménaïde comme déjà mariée par paroles de présents, selon l’usage de l’antique chevalerie. En effet, son père lui dit, au premier acte :


Ce noble chevalier a reçu votre foi ;

(Scène iii, v. 4 et 5.)

La loi ne peut plus rompre un nœud si légitime.

(Scène iv.)


Mais il faut que Lorédan dise à Orbassan, dans la quatrième scène du deuxième acte :


Orbassan, comme vous nous sentons votre injure ;
Nous allons l’effacer au milieu des combats.
Le crime rompt l’hymen ; oubliez la parjure ;
Son supplice vous venge, et ne vous flétrit pas.


Cela rend, à mon gré, la situation de tous les personnages plus épineuse, plus touchante ; ce que dit Orbassan à Aménaïde est plus convenable, et doit faire plus d’effet. J’ai relu hier le reste avec beaucoup d’attention ; je crois que je ne peux plus rien faire à cet ouvrage. Je me flatte que M. et Mme d’Argental auront la bonté de le faire jouer tel qu’il est. La versification n’en est pas pompeuse, mais le style m’en paraît assez touchant. Les personnages disent ce qu’ils doivent dire ; et toutes les pierres de l’édifice me paraissent assez bien liées. J’attends avec impatience des nouvelles de M. d’Argental.

Robin-mouton avait ordre de lui présenter les premiers exemplaires du Czar ; il est bien étrange qu’il ne l’ait pas fait. Nous attendons aujourd’hui M. Turgot, mais je crois qu’il ne verra

  1. Voyes tome V, page 511 et 563