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pour avoir été leur commis. Puisque je suis en train sur ces belles matières, je prends la liberté de vous envoyer un petit sermon[1] qu’on m’a fait tenir ces jours passés, et que vous ne montrerez pas à l’ambassadeur de Portugal[2]. Le rabbin Akib me parait un bon diable ; vous pensez sans doute comme lui, au judaïsme près ; personne n’a moins l’air d’un juif que vous.

Nous vous adorons à Ferney et aux Délices du culte de dulie, et de la plus tendre dulie. V.


4781. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
23 décembre.

C’est pour le coup que nous rirons aux anges. Qu’il arrive de plaisantes choses dans la vie ! comme tout roule ! comme tout s’arrange ! Mes divins anges, si c’est un honnête homme[3], comme il l’est sans doute, puisqu’il s’est adressé à vous, il n’a qu’à venir, son affaire est faite ; il se trouvera que son marché sera meilleur qu’il ne croit. Cornélie-Chiffon aura au moins quarante à cinquante mille livres de l’édition de Pierre ; je lui en assure vingt mille ; je lui ai déjà donné une petite rente ; le tout fera un très-honnête mariage de province, et le futur aura la meilleure enfant du monde, toujours gaie, toujours douce, et qui saura, si je ne me trompe, gouverner une maison avec noblesse et économie. Nous ne pourrions nous en séparer Mme Denis et moi, qu’avec une extrême douleur ; mais je me flatte que le mari fera sa maison de la nôtre.

Malgré tout cela, il m’est impossible d’aimer Héraclius, je vous l’avoue. Je crois vous avoir cité Mme du Châtelet[4], qui ne pouvait souffrir cette pièce, dans laquelle il n’y a pas un sentiment qui soit vrai, et pas douze vers qui soient bons, et pas un événement qui ne soit forcé. J’ai ce genre-là en horreur ; les Français n’ont point de goût. Est-il possible qu’on applaudisse Héraclius quand on a lu, par exemple, le rôle de Phèdre ? est-ce que les beaux vers ne devraient pas dégoûter des mauvais ? et puis, s’il vous plaît, qu’est-ce qu’une tragédie qui ne fait pas pleurer ? Mais je commente Corneille : oui, qu’il en remercie sa nièce.

  1. Le Sermon du rabbin Akib ; voyez tome XXIV, page 277.
  2. Fyot de Neuilly, dont il avait été question pour l’ambassade de Portugal.
  3. Colmont de Vaugrenant.
  4. Lettre 4767.