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Majesté allait retirer les brigades des employés, et qu’il daignait faire pour nous un arrangement utile.

Nous avons compté sur cet arrangement fait par les membres du conseil les plus expérimentés et les plus instruits : jugez combien il serait cruel de nous priver d’un bien que leur équité nous avait promis !

4° Pour peu qu’on jette les yeux sur la carte de la province, on verra clairement que vos brigades, répandues dans le plat pays, ne servent à rien du tout qu’à vous coûter beaucoup de frais ; placez-les dans les gorges des montagnes, quatre hommes y arrêteraient une armée de contrebandiers ; mais dans le plat pays, les contrebandiers suisses, savoyards, et autres, ont mille routes.

Pour nos paysans, ils ne font d’autre contrebande que de mettre dans leurs chausses une livre de sel et une once de tabac pour leur usage, quand ils vont à Genève.

À l’égard de la grande contrebande, toute la noblesse du pays la regarde comme un crime honteux, et nous vous offrons notre secours contre tous ceux qui voudraient forcer les passages.

5° On allègue que, depuis quelques mois, les bandes armées se sont multipliées. Oui, elles ont été une fois dans le plat pays[1]. Ne divisez plus vos forces, et il ne passera pas un contrebandier.

6° On allègue que si on retirait les brigades du plat pays, si on s’abonnait avec nous, si on suivait le règlement proposé, nous nous vêtirions d’étoffes étrangères, au préjudice des manufactures du royaume.

Nous prions instamment messieurs les fermiers généraux d’observer que la capitale de notre opulente province n’a pas un marchand, pas un artisan tolérable ; et que quand on a besoin d’un habit, d’un chapeau, d’une livre de bougie et de chandelle, il faut aller à Genève.

Que le conseil nous accorde cet abonnement utile à jamais pour les fermes du roi et maintenant pour nous (abonnement proposé par plusieurs de vos confrères), nous deviendrons les rivaux de Genève, au lieu d’être ses tributaires.

7° On nous oppose que le port franc de Marseille n’a pas les

  1. C’est-à-dire que quatre paysans étrangers, voulant passer avec du tabac, tuèrent un guide, il y a près de deux ans : preuve évidente que ces gardes dispersés dans le plat pays ne servent à rien. La dixième partie, placée dans les gorges des montagnes, formerait une barrière impénétrable. (Note de Voltaire.)