Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/527

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

résoudre. C’est pour vous que je travaille, monsieur ; c’est à vous à m’éclairer et à me conduire : un mot en marge me suffira, ou une simple lettre avec quelques instructions sur les endroits qui me font peine. Vous daignez sans doute compatir à mon extrême embarras ; mais comptez sur tous mes efforts, sur l’envie extrême que j’ai de vous satisfaire, sur les sentiments de respect et de tendresse que vous m’avez inspirés. Reconnaissez à ma franchise mon extrême attachement pour Votre Excellence, et soyez bien sûr que c’est du fond de mon cœur que je serai toute ma vie, de Votre Excellence, le très, etc.


4741. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
Au château de Ferney, le 9 novembre.

Madame, tant que je serai encore au nombre des vivants, je serai dans celui des adorateurs de vos vertus et des cœurs reconnaissants, remplis de vos bontés. J’arrache rarement à mon état de malade quelques moments où je puisse écrire, car je suis presque toujours réduit à me faire lire et à dicter ; mais que puis-je dicter que des lamentations de Jérémie sur ma pauvre patrie, qui était si florissante il y a quelques années, et qui est à présent un objet de pitié ? J’ai dicté pourtant une tragédie, bonne ou mauvaise, que je compte avoir l’honneur d’envoyer dans quelques semaines à Votre Altesse sérénissime. Que ne puis-je avoir du moins la consolation de l’amuser quelques moments, puisque celle d’être à ses pieds à Gotha m’est refusée !

Il me paraît, madame, que le roi d’Angleterre[2], en faisant un choix, n’a pas donné la pomme à la plus belle, car, quoique toutes les reines soient toujours, sans contredit, des prodiges de beauté, cependant je connais une princesse qui, autant que je m’en souviens, doit l’emporter sur les reines mariées et à marier. J’ai peur que le roi d’Angleterre n’ait pas été aussi bien servi dans ses amours qu’à la guerre.

Je suis entouré de Russes qui disent qu’ils prendront Colberg, et d’Allemands qui assurent que le siège est levé. Je suis comme celui qui disait : " Les uns croient le cardinal-vicaire mort ; les autres le croient vivant ; et moi, je ne crois ni l’un ni l’autre ! »

Il y a une ode d’un Suisse de Berne contre tous les rois qui

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Georges III venait d’épouser, le 8 septembre, Sophie-Charlotte de Mecklembourg-Strélitz.