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plus aimables et des plus éclairés que nous ayons. Je n’ai point vu sa Reine de Golconde, mais j’ai vu de lui des vers charmants. Il ne sera peut-être pas évêque ; il faut vite le faire chanoine de Strasbourg, primat de Lorraine, cardinal, et qu’il n’ait point charge d’âmes. Il me paraît que sa charge est de faire aux âmes beaucoup de plaisir.

N’est-il pas fils de Mme  la marquise de Boufflers, notre reine ? C’est une raison de plus pour plaire. Mettez-moi aux pieds de la mère et du fils. Je suis très-touché de la mort de Mme  de La Galaisière[1]. J’aurai l’honneur démarquera monsieur le chancelier toute ma sensibilité.

Je n’ai point vu le musicien dont vous me parlez, je le crois actuellement à Berne avec sa troupe, qui n’est pas mauvaise, et qui gagnera de l’argent dans cette ville, où il y a beaucoup plus d’esprit qu’on ne croit. Cette partie de la Suisse est très-instruite ; ce n’est plus le temps où l’on disait qu’il était plus aisé de battre les Suisses que de leur faire entendre raison. Ils entendent raison à merveille, et on ne les bat point. Je suis plus content que jamais de leur voisinage. J’y vois les orages de ce monde d’un œil assez tranquille ; il n’y a que ce pauvre frère Malagrida qui me fait un peu de peine. J’en suis fâché pour frère Menou ; mais j’espère qu’il n’en perdra pas l’appétit. Il est né gourmand et gai ; avec cela on peut se consoler de tout.

Pardon si je ne vous écris pas de ma main, mais c’est que je n’en peux plus.

Votre très-sincère ami et serviteur.


Voltaire.

4726. — DE M. D’ALEMBERT.
À Paris, ce 31 octobre.

Je suis, mon cher et illustre maître, un peu inquiet de votre santé ; il faut qu’elle ne soit pas si bonne que l’année passée. Il y a un an que vous vouliez, disiez-vous[2], ne faire que rire de tout pour vous bien porter ; aujourd’hui vous voulez vous fâcher, et c’est contre Moïse de Montauban ! Voilà un plaisant objet pour vous échauffer la bile ! Eh ! pardieu, laissez-le

    aucune n’est complète. Sa Reine de Golconde fut le premier ouvrage qu’il publia en 1761. (B.)

  1. Louise-Elisabeth Orry, épouse de La Galaisière, chancelier du roi Stanislas, morte à Lunéville le 15 septembre 1761, à cinquante-deux ans.
  2. C’est probablement dans la lettre déjà citée ci-dessus, page 8, et qui parait perdue.