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pièces de vingt et un sous par jour pour faire l’exploitation, avec un droit sur chaque moule de bois, dont il vous rendait compte ; il a toujours compté avec vous de clerc à maître. Je crus le sieur Girod, votre agent, quand il me dit que vous aviez fait une vente réelle. Il n’y en a point, monsieur : le sieur Girod a fait vendre en détail, pour votre compte, mes propres bois, dont vous me redemandez aujourd’hui douze moules.

Si vous avez fait une vente réelle à votre paysan, qui ne sait ni lire ni écrire, montrez-moi l’acte par lequel vous avez vendu, et je suis prêt à payer.

Quoi ! vous me faites assigner par un paysan au bas de l’exploit même que vous lui envoyez, et vous dites dans votre exploit que vous fîtes avec lui une convention verbale ! Cela est-il permis, monsieur ? Les conventions verbales ne sont-elles pas défendues par l’ordonnance de 1667 pour tout ce qui passe la valeur de cent livres ?

Quoi, vous auriez voulu, en me vendant si chèrement votre terre, me dépouiller du peu de bois qui peut y être ! Vous en aviez vendu un tiers il y a quelques années ; votre paysan a abattu l’autre tiers pour votre compte. Votre exploit porte qu’il me vend le moule douze francs, et qu’il vous en rend douze francs (en déduisant sans doute sa rétribution) : n’est-ce pas là une preuve convaincante qu’il vous rend compte de la recette et de la dépense, que votre vente prétendue n’a jamais existé, et que je dois répéter tous les bois que vous fîtes enlever de ma terre ? Vous en avez fait débiter pour deux cents louis ; et ces deux cents louis m’appartiennent. C’est en vain que vous fîtes mettre dans notre contrat que vous me vendiez à vie le petit bois nommé forêt, excepté les bois vendus. Oui, monsieur, si vous les aviez vendus en effet, je ne disputerais pas ; mais, encore une fois, il est faux qu’ils fussent vendus, et si votre agent[1] (votre agent, c’est-à-dire vous) s’est trompé, c’est à vous à rectifier cette erreur.

J’ai supplié monsieur le premier président, monsieur le procureur général[2], M. le conseiller Le Bault, de vouloir bien être nos arbitres. Vous n’avez pas voulu de leur arbitrage ; vous avez dit que votre vente au paysan était réelle : vous avez cru m’accabler au bailliage de Gex  ; mais, monsieur, quoique monsieur

  1. Pardieu ! l’agent n’est là que par politesse. (Note de Voltaire sur la copie envoyée au conseiller Le Bault.)
  2. Quarré de Quintin.