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4639. — À M.  L’ABBÉ D’OLIVET.
À Ferney, 16 auguste.

Nous sommes vieux l’un et l’autre, mon cher Cicéron ; par conséquent il faut se presser. J’ai envoyé à monsieur le secrétaire perpétuel de l’Académie[1] l’épître dédicatoire adressée à la compagnie, le commentaire sur les Horaces et sur Cinna, et la préface du Cid. Je vous envoie les remarques sur le Cid ; et je vous supplie, vous qui êtes si au fait de l’histoire littéraire de ce temps-là, de m’aider de vos lumières. J’attends de votre ancienne amitié que vous voudrez bien presser un peu l’ouvrage. Nous n’attendons, pour commencer l’impression, que l’approbation du corps auquel je dédie ce monument, qui me paraît assez honorable pour notre nation.

Presque tous les amateurs s’accordent à désirer un commentaire perpétuel sur toutes les tragédies de Pierre Corneille. Cet ouvrage n’est ni aussi long ni aussi difficile qu’on le pense pour un homme qui depuis longtemps a fait une lecture assidue et réfléchie de toutes ces pièces : il n’en est point qui n’ait de beaux endroits. Les remarques sur les fautes pourront être utiles, et les remarques historiques pourront être intéressantes.

Je ne m’embarrasse point de la manière dont les Cramer imprimeront l’ouvrage : c’est leur affaire. Il y aura probablement six ou sept volumes in-4° ; et à deux louis d’or l’exemplaire il y aurait beaucoup de perte, sans la protection que le roi et les premiers du royaume accordent à cette entreprise. J’aurai peut-être l’honneur d’y contribuer autant que le roi même, car il faudra que je fasse toutes les avances, et que je supplée toutes les non-valeurs ; mais il n’y a rien qu’on ne fasse pour satisfaire ses passions, et la mienne est d’élever avant ma mort un monument dont la nation me sache quelque gré. Vous voyez que j’ai puisé un peu de vanité dans la lecture de votre Cicéron ; mais je vous avertis qu’il n’y a rien de fait si l’Académie ne me seconde pas.

Je supplie monsieur le secrétaire de marquer en marge tout ce qu’il faudra que je corrige, et je le corrigerai sur-le-champ ; je ne fatiguerai pas l’Académie de mes observations sur Pertharite, Agèsilas, Surèna, Attila, Andromède, la Toison d’or, Pulchèric, en un mot sur les pièces qu’on ne joue jamais, et dont le commentaire sera très-court ; mais je prendrai la liberté de la con-

  1. Duclos.