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Voilà ce qui s’appelle entendre une affaire. Tout le monde doit en agir comme le sieur Bazard. Les Cramer verront comment ils arrangeront l’édition : ce qui est très-sûr, c’est qu’ils en useront avec noblesse. Ce n’est point ici une souscription, c’est un avis que chaque particulier donne aux Cramer qu’il retient un exemplaire, s’il en a envie. Mon lot, à moi, c’est de bien travailler pour la gloire de Corneille et de ma nation.

Les particuliers auront l’exemplaire, soit in-4°, soit in-8°, pour la moitié moins qu’ils le payeraient chez quelque libraire de l’Europe que ce pût être. Le bénéfice, pour Mlle Corneille, ne viendra que de la générosité du roi, des princes, et des premières personnes de l’État, qui voudront favoriser une si noble entreprise. Mlle Corneille a l’obligation à Mme de Pompadour et à M. le duc de Choiseul des quatre cents louis que le roi veut bien donner ; mais elle doit être fort mécontente de monsieur le contrôleur général, à qui j’ai donné de fort bons dîners aux Délices, et qui ne m’a point fait de réponse sur les quatre cents louis d’or. Je ne demande pas qu’on les paye d’avance ; mais j’écris à M. de Montmartel[1] pour lui demander quatre billets de cent louis chacun, payables à la réception du premier volume : je ne m’embarquerai pas sans cette assurance. Je donne mon temps, mon travail et mon argent ; il est juste qu’on me seconde, sans quoi il n’y a rien de fait. Je veux accoutumer ma nation à être du moins aussi noble que la nation anglaise, si elle n’est pas aussi brillante dans les quatre parties du monde. Surtout, avant de rien entreprendre, il me faut la sanction de l’Académie. Je vous envoie donc Cinna, mes chers anges, et je vous prie de le recommander à M. Duclos. Quand on m’aura renvoyé l’épître dédicatoire et les observations sur Cinna et les Horaces, j’enverrai le reste. Je souhaite qu’on aille aussi vite que moi ; mais les Français parlent vite et agissent lentement : leur vivacité est dans les propositions, et non dans l’action. Témoin cent projets que j’ai vus commencés avec chaleur, et abandonnés avec dégoût.

Ô mes anges ! vous ne me parlez point de l’arrêt contre les jésuites[2] ; je l’ai eu sur-le-champ, cet arrêt, et sans vous. Vous me dites un mot du petit Hurtaud, et rien de Pondichéry. J’avoue que le tripot est la plus belle chose du monde ; mais Pondichéry et les jésuites sont quelque chose. Vous me parlez, de l’Enfant prodigue, que les comédiens ont gâté absolument, et de Nanine,

  1. Cette lettre manque.
  2. L’arrêt du 6 août 1761.