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cette lettre, et de la montrer aux acteurs quand on jouera Tancrède.

Je vous fais mon compliment sur la manière dont vous avez joué Électre. Vous avez rendu à l’Europe le théâtre d’Athènes. Vous avez fait voir qu’on peut porter la terreur et la pitié dans l’âme des Français, sans le secours d’un amour impertinent et d’une galanterie de ruelle, aussi déplacés dans Électre qu’ils le seraient dans Cornélie. Introduire dans la pièce de Sophocle une partie carrée[1] d’amants transis est une sottise que tous les gens sensés de l’Europe nous reprochent assez. Tout amour qui n’est pas une passion furieuse et tragique doit être banni du théâtre ; et un amour, quel qu’il soit, serait aussi mal dans Électre que dans Athalie. Vous avez réformé la déclamation, il est temps de réformer la tragédie, et de la purger des amours insipides, comme on a purgé le théâtre des petits-maîtres.

On m’a flatté que vous pourriez venir dans nos retraites : on dit que votre santé a besoin de M.  Tronchin. Vous seriez reçue comme vous méritez de l’être, et vous verriez chez moi un assez joli théâtre, que peut-être vous honoreriez de vos talents sublimes, en faveur de l’admiration et de tous les sentiments que ma nièce et moi nous conservons pour vous. Mlle  Corneille ne dit pas mal des vers. Ce serait un beau jour pour moi que celui où je verrais la petite-fille du grand Corneille confidente de l’illustre Mlle  Clairon.


4630. — À M.  DUCLOS[2].
8 auguste.

Si vous avez quelquefois du loisir à l’Académie, monsieur, je lui fournirai de l’occupation. Voilà toujours, à bon compte, ma dédicace. Je vous prie d’y trouver des choses curieuses, et que l’Académie l’approuve.

J’aurai l’honneur d’envoyer le programme quand j’aurai consulté mes respectables confrères sur quelques commentaires. Celui de Cinna ne tardera pas. Je me flatte que je serai instruit par leurs décisions, et encouragé par le zèle qu’ils montrent pour la mémoire de Corneille et pour l’unique rejeton de cette famille.

  1. C’est ce qu’on voit dans l’Électre de Crébillon.
  2. Éditeurs, de Cayrol et François.