Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome41.djvu/377

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

4608. — À M.  CAPPERONNIER[1].
Au château de Ferney, en Bourgogne, par Genève, 13 juillet 1761.

Monsieur, je compte dans quelques mois avoir l’honneur de vous envoyer, pour la Bibliothèque du roi, un manuscrit unique et curieux. C’est l’Èzour-Veidam, commentaire du Veidam, lequel est, chez les Indiens, ce qu’est le Sadder chez les Guèbres[2].

Cet Ézour-Veidam est traduit de la langue du hanscrit par un brame de beaucoup d’esprit[3], qui est correspondant de notre compagnie des Indes, et qui a très-bien appris le français. Il l’a donné à M. de Maudave, commandant pour le roi dans un petit fort de la côte de Coromandel. Ce livre est fait vraisemblablement avant l’expédition d’Alexandre.

Ce que je vous dis là, monsieur, n’est pas un artifice pour obtenir de vous quelques livres dont j’ai besoin. Je vous les demanderais hardiment quand il n’y aurait point d’Ézour-Veidam au monde, tant je compte sur vos bontés.

Je fais imprimer les tragédies de Pierre Corneille avec un commentaire perpétuel, historique et critique, qui sera peut-être utile aux étrangers qui apprennent notre langue par règle, et à quelques Français qui la parlent par routine. L’édition sera ornée des plus belles gravures, et faite avec beaucoup de soin. Nous la faisons à l’anglaise, c’est-à-dire par souscription, pour le bénéfice des seules personnes qui restent du grand nom de Corneille. Le roi a la bonté de souscrire pour deux cents exemplaires ; M. le duc de Choiseul pour vingt. Je me flatte que M. le baron de Thiers voudra bien que son nom soit dans la liste.

Mais vous me rendriez, monsieur, un plus grand service si vous vouliez bien me prêter une édition de Corneille qui doit être à la Bibliothèque du roi, dans laquelle on trouve toutes les imitations de Guillain de Castro, de Lucain, de Sénèque et de Tite-Live. Corneille donna lui-même cette édition[4]. Je n’ai que le tome du Cid ; il y manque la première page, qui contenait le

  1. J’imprime cette lettre sur l’original inédit que je possède, mais sans l’enveloppe sur laquelle était l’adresse. Jean Capperonnier, né en 1716, mort en 1775, avait été nommé bibliothécaire de la Bibliothèque du roi, rue de Richelieu, à la place de l’abbé Sallier, mort le 9 janvier 1761. (B.)
  2. Voyez sur ce manuscrit la note de M. Reinaud, tome XXVI, page 392. Le manuscrit était envoyé le 16 septembre ; voyez la lettre à Mme  du Deffant, n° 4677.
  3. Voltaire le nomme Chumontou et Shumontou ; voyez tome XI, page 192 ; et XXVI, 392.
  4. Cette édition est celle de 1644.