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4604. — À M.  LE BRUN[1].
11 juillet.

Il y a des choses bien bonnes et bien vraies dans les trois brochures que j’ai reçues[2]. J’aurais peut-être voulu qu’on y marquât moins un intérêt personnel. Le grand art de cette guerre est de ne paraître jamais défendre son terrain, et de ravager seulement celui de son ennemi, de l’accabler gaiement ; mais après tout je ne suis pas fâché de voir relever des critiques très-injustes d’une ode dont j’ai admiré les beautés, et à laquelle je dois non-seulement Mlle  Corneille, mais l’honneur de commenter à présent le grand homme auquel elle appartient.

Les oreilles d’âne sont attachées pour jamais au chef de ce malheureux Fréron. Ou a prouvé ses âneries, et il y a dans les trois brochures un grand mélange d’agréable et d’utile.

Je ne savais pas que ce Baculard fut un croupier de Fréron. J’ai eu soin autrefois de ce Baculard, qu’on appelait d’Arnaud, comme j’ai soin de Mlle  Corneille. J’ai été payé d’une ingratitude dont je crois le cœur de Mlle  Corneille incapable.

Adieu, monsieur ; je me flatte que le nom de monseigneur le prince de Conti décorera la liste de ceux qui souscrivent pour la gloire du grand Corneille et pour l’avantage de sa famille. Je serai toute ma vie pénétré d’estime et d’attachement pour vous.


Voltaire.

4605. — À M.  THIERIOT.
Ferney, 11 juillet.

À qui en a donc Protagoras ? Je l’avais prié de m’écrire, et il n’en fait rien. Les philosophes sont bien tièdes. Allez chez lui, je vous prie, et faites-lui honte ; dites-lui vergogne.

Envoyez-moi, mon cher ami, sur-le-champ la Poétique d’Aristote par la poste, avec contre-seing. J’en ai besoin pour Pierre. J’ai déjà commenté toute la tragédie d’Horace, la Vie de Corneille, par Fontenelle ; j’ai commencé le Cid, Médée, et Cinna. J’aurai fait avant que le caractère, le papier, et les souscriptions soient venus. Je ne perds point de temps, à cause du βιοῡ ἄκρα[3].

  1. Sur l’adresse de cette lettre sont écrits ces mots : « M. Damilaville est venu pour avoir l’honneur de voir M. Le Brun, et lui remettre cette lettre. » (Note de Ginguené, éditeur des Œuvres de Le Brun.)
  2. C’est sans doute la Wasprie, et les deux premiers numéros de l’Ane littéraire. (Note de Ginguené.)
  3. Le terme de la vie.