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déjà prévenu M. le comte de Choiseul, l’ambassadeur, que je ne doutais pas qu’il n’honorât ma liste de son nom, et j’attends ses ordres. Je demande la même grâce à M. de Courteilles, à M. de Malesherbes, à madame sa sœur, et tous les amis de mes anges.

Je désirerais passionnément la souscription du président de Meynières, et de quelques membres du parlement, pour expier les sottises de maître Le Dain et de maître Orner.

Je n’ai point encore écrit à M. le duc de Choiseul sur cette petite affaire. Je supplie monsieur le comte l’ambassadeur d’avoir la bonté de lui en parler : ils sont aussi tous deux mes anges. Je vous baise à tous le bout des ailes, et je recommande à vos bontés Cinna, Horace, Sévère, Cornélie, et la cousine issue de germain de Cornélie. Si on me seconde avec quelque vivacité, cette édition ne sera qu’une affaire de six mois.

Nièce, et Cornélie-chiffon, et V., vous disent tout ce qu’il y a de plus tendre.


4592. — À MADAME LA DUCHESSE DE SAXE-GOTHA[1].
Au château de Ferney, par Genève, 26 juin 1761.

Madame, mon silence doit avoir dit à Votre Altesse sérénissime que je n’étais pas en état d’écrire. J’avais presque perdu la vue, en conservant la plus forte envie de revoir Gotha et sa souveraine. J’occupe ma vieillesse, et je trompe mes maux par un travail très-agréable pour lequel je demande votre protection.

L’Académie française agrée que je fasse une édition des bonnes tragédies du grand Corneille, avec des notes sur la langue et sur l’art qu’elle a créés. Cet ouvrage sera principalement utile aux étrangers. Il se fait par souscription, et l’édition sera magnifique. Le produit de cette entreprise est pour tirer de la misère les restes de la famille du grand Corneille, famille noble, et qui languit dans la pauvreté. Nous imprimons les noms des souscripteurs : je supplie Votre Altesse sérénissime de permettre que son nom honore cette liste. Chaque académicien souscrit pour six exemplaires. Ce livre sera du moins un monument de générosité, si de ma part ce n’est pas un monument de science et de goût. Puisse la paix donner à l’Europe le loisir de cultiver les arts de toute espèce ! Ce long fléau détruit tout. Hélas ! au premier coup de canon, je dis : « En voilà pour sept ans ! » Puissé-je me tromper au moins d’une année !

  1. Éditeurs, Bavoux et François.