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sur mes lettres et sur celles de Mme Denis, imprimées à Paris sous le nom de Genève. Il m’est très-important que Genève, qui n’est qu’à une lieue de mon séjour, ne passe point pour un magasin clandestin d’éditions furtives. Je leur ai très-grande obligation de vouloir bien détruire ce soupçon injuste, qui n’est déjà que trop répandu.

Je les supplie aussi très-instamment de ne rien changer à ma déclaration. L’article du culte et des devoirs de la religion est essentiel[1]. Je dois parler de ces devoirs, parce que je les remplis ; et que surtout j’en dois l’exemple à Mlle Corneille que j’élève. Il ne faut pas qu’après les calomnies punissables de Fréron on puisse soupçonner que Mme Denis et moi nous ayons fait venir l’héritière du nom de Corneille aux portes de Genève, pour ne pas professer hautement la religion du roi et du royaume. On a substitué à cet article nécessaire que je m’occupe de ce qui intéresse mes amis. On doit concevoir combien cela est déplacé, pour ne rien dire de plus. Je ne dois point compte au public de ce qui intéresse mes amis, mais je lui dois compte de la religion de Mlle Corneille.

J’insiste, avec même chaleur, sur le changement qu’on veut faire dans ce que je dis de l’Ode de M. Le Brun. Je dis qu’il y a dans son ode des strophes admirables, et cela est vrai. Les trois dernières surtout me paraissent aussi sublimes que touchantes ; et j’avoue qu’elles me déterminèrent sur-le-champ à me charger de Mlle Corneille, et à l’élever comme ma fille. Ces trois dernières strophes me paraissent admirables, je le répète. Vous voulez mettre à la place sentiments admirables ; mais un sentiment de compassion n’est point admirable : ce sont ces strophes qui le sont. Je demande en grâce qu’on imprime ce que j’ai dit, et non pas ce qu’on croit que j’ai dû dire. Je sais bien qu’il y a des longueurs dans l’ode, et des expressions hasardées. Le partage de M. Le Brun est de rendre son ode parfaite en la corrigeant, et le mien est de louer ce que j’y trouve de parfait.

Observez, je vous prie, mes chers amis, que M. Le Brun trouverait très-mauvais que je me bornasse à faire l’éloge de ses sentiments, quand je lui dois celui des beautés réelles qui sont dans son ode.

Je renvoie à mes deux amis l’Épître d’Abraham Chaumeix à Mlle Clairon, telle que l’ai reçue de Paris. M. Thieriot peut se donner le plaisir de porter ces étrennes à Melpomène. Mon cor-

  1. Voyez le texte et la note, tome XXIV, pages 159-160.