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très-punissable, et dont les parents de Mlle Corneille devraient demander justice. L’Écluse n’est point dans mon château ; il est à Genève, et y est très-nécessaire ; c’est un homme d’ailleurs supérieur dans son art, très-honnête homme, et très-estimé. La licence d’un tel barbouilleur de papier mériterait un peu de correction.


4423. — À M. FYOT DE LA MARCHE,
premier président du parlement de bourgogne.
Au château de Ferney, pays de Gex, 18 janvier.

M. de Ruffey, monsieur, m’a fait verser des larmes de joie en m’apprenant que vous vouliez bien vous ressouvenir de moi, et que vous vous rendiez à la société, dont vous avez toujours fait le charme. Mon cœur est encore tout ému en vous écrivant. Songez-vous bien qu’il y a près de soixante ans que je vous suis attaché ! Mes cheveux ont blanchi, mes dents sont tombées ; mais mon cœur est jeune : je suis tenté de franchir les monts et les neiges qui nous séparent, et de venir vous embrasser. J’ai honte de vous avouer que je me regarde dans mes retraites comme un des plus heureux hommes du monde ; mais vous méritez de l’être plus que moi, et je vous avertis que je cesse de l’être si vous ne l’êtes pas. Vous êtes honoré, aimé ; je vous connais une très-belle âme, une âme charmante, juste, éclairée, sensible ; je peux dire de vous :


Gratia, fama, valetudo, contingit abunde…
Quid voveat dulci nutricula majus alumno ?

(Hor., lib. I, ep. iv, v. 8 et 10.)

Mais je ne vous dirai pas :


Me pinguem et nitidum bene curata cute vises.

(Ibid., v. 15.)

Je suis aussi lévrier qu’autrefois, toujours impatient, obstiné, ayant autant de défauts que vous avez de vertus, mais aimant toujours les lettres à la folie, ayant associé aux Muses Cérès, Pomone, et Bacchus même, car il y a aussi du vin dans mon petit territoire. Joignant à tout cela un peu de Vitruve, j’ai bâti, j’ai planté tard, mais je jouis. Le roi m’a daigné combler de bienfaits ; il m’a conservé la place de son gentilhomme ordinaire. Il a