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sieur l’archevêque de Paris ; cette lettre est un livre, et un très-bon livre pour ceux qui aiment ces matières, et j’aime tout : tout m’amuse.

Est-il vrai que princes et pairs ont répondu aux gens tenant la cour du parlement qu’ils iront si leur santé le permet ? Vos nouvelles de paix n’ont aucun fondement ; j’en sais plus que vous autres Parisiens.

Intérim vale, et me ama.


4392. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL.
Ferney, 28 décembre.

Et les yeux de mon ange, comment vont-ils en 1761 ? Je me souviens de 1701 tout comme si j’y étais ; c’était hier. Ah ! comme le temps vole ! les hommes vivent trop peu ; à peine a-t-on fait deux douzaines de pièces de théâtre qu’il faut partir. Mais à quand Tancrède, et l’édition du petit-fils[1], franc fieux de Paris ?

Je fais une réflexion : c’est qu’il est important, mes anges, que l’épître à madame la marquise soit datée de Ferney en Bourgogne, 10 d’octobre 1759.

Remarquez toutes mes excellentes raisons ; je dis Ferney, parce que Mme  de Pompadour s’est intéressée aux privilèges de cette terre ; je dis en Bourgogne, afin que les sots et les méchants, dont il est grande année, n’aillent pas toujours criant que je suis à Genève ; je dis 10 d’octobre 1759, parce qu’elle fut écrite en ce temps-là[2], et surtout parce que si elle n’est point datée, elle paraîtra une insulte au pauvre Ami des hommes[3] et à son malheur. Vous savez que j’ai toujours pensé qu’il faut ou se battre contre les Anglais, ou payer ceux qui se battent pour nous ; que je n’ai jamais cru la France si déchirée qu’on le dit ; que je pense qu’il y a de grandes ressources après nos énormes fautes. Ces sentiments, que j’ai toujours eus, je les exprime dans ma lettre à Mme  de Pompadour ; mais ils deviennent une satire du livre des Impôts, livre imprimé après ma lettre écrite. Je passerais pour un lâche flatteur qui se fait de fête, et qui est de l’avis des sous-maîtres, pendant qu’un camarade valet est in ergastulo pour les avoir contredits. Mes divins anges, ce serait là un triste rôle ; et vous, qui vous chargez de mes iniquités, vous ne voudrez pas

  1. Prault. Voyez la lettre 4378.
  2. Voyez tome V, page 499.
  3. Voyez ci-dessus, page 123.