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communier à sa paroisse, procurer du pain aux pauvres. Sans vanité, je m’acquitte mieux que toi de ces devoirs, et je conseille à tous les polissons qui crient d’être chrétiens et de ne point crier. Ce n’est pas encore assez ; je suis en droit de te citer Corneille :


Servez bien votre Dieu, servez notre monarque.

(Polyeucte, acte V, scène vi.)

Il faut, pour être bon chrétien, être surtout bon sujet, bon citoyen : or, pour être tel, il faut n’être ni janséniste, ni moliniste, ni d’aucune faction ; il faut respecter, aimer, servir son prince ; il faut, quand notre patrie est en guerre, ou aller se battre pour elle, ou payer ceux qui se battent pour nous : il n’y a pas de milieu. Je ne peux pas plus m’aller battre, à l’âge de soixante et sept ans, qu’un conseiller de grand’chambre : il faut donc que je paye, sans la moindre difficulté, ceux qui vont se faire estropier pour le service de mon roi, et pour ma sûreté particulière.

J’oubliais vraiment l’article du pardon des injures. Les injures les plus sensibles, dit-on, sont les railleries. Je pardonne de tout mon cœur à tous ceux dont je me suis moqué.

Voilà, monsieur, à peu près ce que je dirais à tous ces petits prophètes du coin, qui écrivent contre le roi, contre le pape, et qui daignent quelquefois écrire contre moi et contre des personnes qui valent mieux que moi. J’ai le malheur de ne point regarder du tout comme des Pères de l’Église ceux qui prétendent qu’on ne peut croire en Dieu sans croire aux convulsions, et qu’on ne peut gagner le ciel qu’en avalant des cendres du cimetière de Saint-Médard, en se faisant donner des coups de bûche dans le ventre, et des claques sur les fesses[1]. Pour moi, je crois que si on gagne le ciel, c’est en obéissant aux puissances établies de Dieu, et en faisant du bien à son prochain.

Un journaliste a remarqué que je n’étais pas adroit, puisque je n’épousais aucune faction, et que je me déclarais également contre tous ceux qui veulent former des partis. Je fais gloire de cette maladresse ; ne soyons ni à Apollo ni à Paul[2], mais à Dieu seul, et au roi que Dieu nous a donné. Il y a des gens qui entrent dans un parti pour être quelque chose ; il y en a d’autres qui existent sans avoir besoin d’aucun parti.

  1. Ce sont les mystères des jansénistes convulsionnaires. (K.)
  2. Voyez la première Épître de saint Paul aux Corinthiens, chap. i, v. 12.