que j’ai eu l’honneur de vous adresser, et j’en suis très en peine. Je vous prie très-instamment de me tirer de cette inquiétude. Les rogatons[1] que j’avais trouvés sous ma main, pour vous amuser ou pour vous ennuyer un quart d’heure, sont des misères, je le sais bien ; mais je serais affligé qu’elles eussent passé dans d’autres mains que les vôtres.
Comment vous amusez-vous, madame ? que faites-vous de ces journées qui paraissent quelquefois si longues dans une vie si courte ? Comment le président[2] s’accommode-t-il d’être septuagénaire ? Pour moi, qui touche à ce bel âge de la maturité, je me trouve très-bien d’avoir à gouverner les dix-sept ans de Mlle Corneille. Elle est gaie, vive, et douce, l’esprit tout naturel ; c’est ce qui fait apparemment que Fontenelle l’a si mal traitée.
Je lui apprends l’orthographe, mais je n’en ferai point une savante ; je veux qu’elle apprenne à vivre dans le monde, et à y être heureuse.
Je vous souhaite les bonnes fêtes, madame, comme disent les Italiens mes voisins. Cependant vous ne sauriez croire combien il y a de gens, en Italie[3] qui se moquent des fêtes. Mon Dieu, que le monde est devenu méchant ! C’est la faute de ces maudits philosophes.
Comment vont les yeux de mon cher et respectable ami, de mon divin ange ? n’importuné-je point un peu trop mes deux chevaliers ? Plût à Dieu que les chevaliers de Tancrède fussent aussi preux que vous ! Mais il faut que je vous dise qu’on a joué à Dijon, à la Rochelle, à Bordeaux, à Marseille, la Femme qui a raison. Si l’ami Fréron m’a ôté les suffrages de Paris, je suis devenu un bon poëte en province. Pourquoi, après tout, ne souffrirait-on pas la Femme qui a raison dans la capitale ? n’y aime-t-on pas un peu à se réjouir ? n’y veut-on que des tombeaux, des chambres tendues de noir, et des échafauds ?
- ↑ Voyez plus haut le second alinéa de la lettre 4365.
- ↑ Hénault, qui était alors dans sa soixante-seizième année.
- ↑ Ceci rappelle le proverbe italien :
Roma veduta,
Fede perduta.
dès qu’il fut libre, il vomit des injures contre Le Brun et Voltaire, au sujet de Mlle Corneille. (Cl.)