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sans vous, ni avec vous[1]. Je ne parle point au roi, au héros, c’est l’affaire des souverains ; je parle à celui qui m’a enchanté, que j’ai aimé, et contre qui je suis toujours fâché.


3819. — À M. BERTRAND.
30 mars

Mon cher ami, vos Tremblements sont partis, et je partirai, moi, le plus tôt que je pourrai pour venir remercier M. de Freudenreich et Messieurs les curateurs, et surtout vous. Mme Denis et moi, nous ferons ce voyage agréable le plus tôt que nous pourrons.

Nous sommes fort loin de craindre les brouillons que nous connaissons très-bien ; et je suis très en état de ne craindre personne. Hélas ! mon ami, j’ai plus de terrain que Genève, et je suis le maître chez moi. Le chef des polissons[2] est mon vassal. J’ai des créneaux et des … ; et peut-être, avant qu’il soit peu, le peuple dont vous me parlez aura besoin de moi ; en attendant, il gagne honnêtement avec moi, et il est très-soumis dans mon antichambre. C’est un M. Demad[3] homme de beaucoup d’esprit, qui a fait Candide, ou l’Optimisme, et qui se moque encore plus que moi des sots. Mon cher ami, vivons tranquilles et aussi heureux qu’il est possible dans notre court pèlerinage.

Les jésuites échapperont, n’en doutez pas ; et peut-être dans un an ils seront tout-puissants en Portugal[4] comme ils le furent en France après l’assassinat de Henri IV.

Le roi de Prusse m’a écrit des choses bien extraordinaires. C’est un singulier homme, et ce siècle est un étrange siècle.

On dit que Haller se repent beaucoup d’avoir montré mes lettres et les siennes ; il a raison de se repentir.


3820. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
30 mars.

Quoique tout le monde soit en armes et en alarmes, j’ai pourtant reçu tous les paquets de Votre Majesté. L’épître[5] à Sa

  1. On lit dans Martial, xii, 47 :

    Nec tecum possum vivere, nec sine te.

  2. Jacob Vernet.
  3. Voyez tome XXIV, page 91.
  4. Les jésuites furent chassés du Portugal par un édit, le 3 septembre 1759.
  5. Voyez une note sur la lettre 3803.