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3807. — À M.  VERNES.

J’ai lu enfin Candide ; il faut avoir perdu le sens pour m’attribuer cette coïonnerie ; j’ai, Dieu merci, de meilleures occupations. Si je pouvais excuser jamais l’Inquisition, je pardonnerais aux inquisiteurs du Portugal d’avoir pendu le raisonneur Pangloss pour avoir soutenu l’optimisme. En effet, cet optimisme détruit visiblement les fondements de notre sainte religion ; il mène à la fatalité ; il fait regarder la chute de l’homme comme une fable, et la malédiction prononcée par Dieu même contre la terre, comme vaine. C’est le sentiment de toutes les personnes religieuses et instruites : elles regardent l’optimisme comme une impiété affreuse.

Pour moi, qui suis plus modéré, je ferais grâce à cet optimisme, pourvu que ceux qui soutiennent ce système ajoutassent qu’ils croient que Dieu, dans une autre vie, nous donnera, selon sa miséricorde, le bien dont il nous prive en ce monde, selon sa justice. C’est l’éternité à venir qui fait l’optimisme, et non le moment présent.

Vous êtes bien jeune pour penser à cette éternité, et j’en approche.

Je vous souhaite le bien-être dans cette vie et dans l’autre[1].


3808. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Breslau, 21 mars.

Vous ne vous êtes pas trompé tout à fait ; je suis sur le point de me mettre en marche. Quoique ce ne soit pas pour des sièges, toutefois c’est pour résister à mes persécuteurs.

J’ai été ravi de voir les changements et les additions que vous avez faits à votre ode. Rien ne me fait plus de plaisir que ce qui regarde cette matière-là. Les nouvelles strophes sont très-belles, et je souhaiterais fort que le tout fut déjà imprimé. Vous pourrez y ajouter une lettre[2], selon votre bon plaisir ; et, quoique je sois très-indifférent sur ce qu’on peut dire de moi en France et ailleurs, on ne me fâchera pas en vous attribuant mon Histoire de Brandebourg[3]. C’est la trouver très-bien écrite, et c’est plutôt me louer que me blâmer.

  1. À la suite de cette lettre on a imprimé un P. S. qui n’est autre que le billet qu’on a vu ci-dessus, lettre 3801.
  2. Ce n’est point une lettre, mais une longue note qui parut à la suite de l’Ode sur la mort de la princesse de Baireuth.
  3. C’est ce qu’avait fait Caveyrac, page 84 de son Apologie de Louis XIV.