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3790. — À M.  LE BARON DE HALLER[1].
26 février 1759.

J’ai été persuadé, monsieur, qu’ayant été commissaire du conseil pour policer et encourager l’Académie de Lausanne, vous étiez plus à portée que personne d’étouffer ce scandale, et qu’un mot de votre part à M.  Bonstetten pourrait suffire… Daignez vous souvenir, monsieur, de la satisfaction que vous demandâtes de la rapsodie de ce fou de La Mettrie : ce n’était qu’une impertinence qui ne portait aucun coup, une saillie d’ivrogne qui ne pouvait nuire à personne, pas même à son auteur, tant il était décrié et sans conséquence. Mais ici, monsieur, ce sont des gens de sens rassis, des ministres, des gens de lettres, qui se servent des prétextes de la religion pour colorer les injures les plus noires. Permettez-moi donc du moins d’agir, lorsqu’on m’outrage d’une façon dangereuse, comme vous en avez usé quand on vous offensa d’une façon qui n’était qu’extravagante. J’ai tout lieu de croire que des magistrats de Berne, ayant eu la bonté de m’avertir de ce complot, le conseil ayant ordonné que le libelle fût saisi, les seigneurs curateurs ayant voulu que l’Académie en rendît compte, cet infâme ouvrage demeurera supprimé ; mais javoue, monsieur, que j’aimerais mieux vous en avoir l’obligation qu’à personne : on aime à être l’obligé de ceux dont on est l’admirateur. Si, dans l’enceinte des Alpes que vous avez si bien chantées, il y a un homme sur la loyauté duquel j’ai dû compter, c’est assurément l’illustre M.  de Haller…


3791. — À M.  DE BRENLES.

J’étais étonné de votre silence, mon cher ami ; je tombe des nues ; on me dit que vous êtes fâché du petit mot que je vous écrivis sur la cabale de Grasset. Il me semble, autant que je puis m’en souvenir, que j’étais aussi touché de votre amitié que mécontent du parti de Grasset. Je crois vous avoir dit que ce parti me paraissait insensé de protéger un fripon décrété de prise de corps pour avoir volé ses maîtres, contre votre ami qui s’était attaché à Lausanne, qui n’y était venu que pour vous, qui dépensait à Lausanne autant qu’un Anglais, et qui laissait un legs à l’école

  1. Biographie d’Albert de Haller (2e édition). Paris, Delay, 1845. — Desnoiresterres, Voltaire aux Délices.