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cette personne ne lui a pas envoyé la petite pièce dont elle était en possession, dans l’intention de porter le moindre préjudice à Mlle Vadé. Il paraît au contraire que cette demoiselle devait s’attendre à quelques remerciements, attendu qu’elle a pris vivement le parti du Journal encyclopédique contre l’Année littéraire, ou antilittéraire.

Ce n’est pas un bon moyen de faire connaître un ouvrage que d’en dire du mal ; et le petit ouvrage envoyé était très-connu, et on en a fait déjà trois éditions. Le mieux eût été de ne jamais prévenir le jugement du public, de ne point le choquer, et de ne point sacrifier son jugement et son intérêt à la crainte qu’on peut avoir de quelques misérables qui n’ont aucun crédit.

Si M. Rousseau est mécontent de l’endroit où il a transporté son île flottante[1] de Délos, on lui offre un château ou une maison isolée à l’abri de tous les flots ; il y trouvera toutes sortes de secours, et de l’indépendance. Il y pourra transporter sa manufacture, et il fera encore mieux de se servir de la manufacture d’un négociant accrédité dans le voisinage, qui est tout près. Il pourrait tirer de très-grands avantages de ce parti, et n’aurait jamais rien à craindre. Il faudrait seulement qu’il vînt sous un autre nom, qu’il n’en parlât à personne, et que la marque de sa marchandise ne portât le nom d’aucune ville : il se ferait adresser les paquets de ses correspondants à Lyon[2].


4238. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL
28 auguste.

Mon cher ange, vous ne m’instruisez pas dans mes limbes de ce que vous faites dans votre ciel ; pas un petit mot sur l’Écossaise, sur mon ami Fréron, sur mon cher Pompignan, qu’on dit être chez M. d’Argenson, aux Ormes, avec le président Hénault, qui va lui vendre sa charge de surintendant bel esprit de la reine, et qui, pour pot-de-vin, trouve son Discours et son Mémoire excellents.

Il faut que je vous dise que frère Menoux, jésuite, m’a envoyé une mauvaise déclamation de sa façon, intitulée l’incrédulité com-

  1. Pierre Rousseau s’était établi successivement à Liège, Bruxelles, et Bouillon ; voyez la note, tome XXIV, page 109.
  2. La fin de cette lettre, depuis « Il faudrait seulement », est tirée de l’original, déposé à la Bibliothèque de Bruxelles, ms. 11582. Cette addition nous est fournie par M. F. Brunetière.