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sacerdotum. L’abbé Mords-les devrait bien déférer ce jacobin à nosseigneurs de la classe du parlement.


4228. — À M. BAGIEU[1].
Aux Délices, 13 auguste.

Ma nièce est un gros cochon, comme sont, monsieur, la plupart de vos Parisiennes. Cela se lève à midi ; la journée se passe sans qu’on sache comment ; on n’a pas le temps d’écrire, et quand on veut écrire on ne trouve ni papier, ni plume, ni encre ; il faut m’en venir demander, et puis l’envie d’écrire passe. Sur dix femmes, il y en a neuf qui en usent ainsi. Pardonnez donc, monsieur, à Mme Denis son extrême paresse, elle ne vous en est pas moins attachée, et elle aimerait encore mieux vous le dire que vous l’écrire. Je lui sers de secrétaire ; je suis exact, tout vieux et tout malingre que je suis. Il est bien juste que vous ayez un peu d’amitié pour moi, puisque M. Morand[2], votre confrère, en a tant pour mon grand persécuteur Fréron.


Sœpe, premente deo, fert deus alter opem.

(Ovid., Trist., lib. I. eleg. ii. v. 4.)

J’ai eu bon nez d’achever ma vie dans ma douce retraite ; les Fréron, les Pompignan, les Abraham Chaumeix, m’auraient livré sans doute au bras séculier. Quelle inhumanité dans ce Fréron de me soupçonner d’être l’auteur de l’Écossaise !

Un grand théologien mahométan prétend que Dieu envoie quelquefois un ange chirurgien aux méchants qu’il veut rendre bons ; cet ange vient avec un scalpel céleste, pendant le sommeil du scélérat, lui arrache le cœur fort proprement, en exprime le virus, et met un baume divin à la place. Je vous supplie de daigner faire cette opération à Fréron ; mais vous aurez bien de la peine à tirer tout le virus.

Je me félicite plus que jamais de n’être pas témoin de toutes les pauvretés qui se font dans Paris ; mais je regrette fort de ne point voir un homme de votre mérite. Comptez que c’est avec les sentiments les plus vifs que j’ai l’honneur d’être, etc.

    aucun ouvrage ; mais qu’après sa mort on recueillit, en forme de Traités, ce qu’il avait débité dans des sermons pleins d’histoires merveilleuses.

  1. Voyez tome XXXVII, page 404.
  2. Chirurgien-major de l’Hôtel des Invalides, mort en 1773.