Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome40.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

monsieur l’assesseur baillival ! Que ne sont-ils tous au tribunal de la rue de Bourgs[1] ! « Voilà qui est fait, disait un vieux galant, à propos de la Brinvilliers ; si les dames se mettent à empoisonner, je n’aurai plus d’estime pour elles. » Je n’en ai plus pour Grasset, ni même pour Watteville[2], et, entre nous, je ne conçois guère comment Darnay s’est associé avec le valet des Cramer décrété de prise de corps pour avoir volé ses maîtres. On me paraît très-indigné à Berne contre cette manœuvre. Grasset demandait à être naturalisé, et a été refusé. Darnay demandait de l’argent, et n’en a point eu. Je sens au reste, mon cher philosophe, combien ce libelle est méprisable ; mais n’est-il pas utile de faire sentir aux prêtres qu’il ne leur est pas plus permis de farcir des libelles de leurs ordures que d’assassiner leurs pénitents ? Et n’est-il pas convenable que votre ami fait Suisse par vous ne soit pas outragé dans votre ville ? Mille respects à la philosophe.


3786. — À M.  BERTRAND.
À Tournay, par Genève, 20 février.

Mon amitié est enchantée de tous les témoignages de la vôtre ; je les sens, mon cher ami, du fond de mon cœur. Le plus grand service que vous me puissiez rendre est d’entretenir souvent M.  le banneret de Freudenreich de ma tendre reconnaissance. Il daigne entrer avec moi dans des détails qui me font voir à quel point je lui ai obligation. Plus il est occupé des affaires de l’État, plus je sens ce que je dois à l’attention dont il honore l’affaire d’un particulier. Je lui avoue que feu le ministre Saurin a mérité la corde ; mais son fils[3], mon ami, le plus honnête homme du monde, avocat estimé, homme de lettres considéré, secrétaire de monseigneur le prince de Conti ; mais ses sœurs et leurs enfants, enveloppés dans cet opprobre, ne méritent-ils pas un peu de pitié ? Saurin, le fils infortuné d’un homme qui fit une grande faute, m’écrit des lettres qu’il trempe de ses larmes, et qui vous en feraient verser. Je suis persuadé que son état toucherait les seigneurs curateurs. D’ailleurs plusieurs personnes sont outragées dans ce libelle ; j’y suis traité en vingt endroits de déiste et d’athée. Les pièces qu’on m’y impute sont supposées. Le libelle est anonyme, sans nom de ville, sans date. Il est im-

  1. Une des rues de Lausanne.
  2. Sans doute Alexandre-Louis de Watteville, écrivain, né à Berne en 1714.
  3. B.-J. Saurin ; voyez tome XIV, page 135.