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de l’évêque limousin[1] qui va succéder, dans l’Académie, à frère Jean des Entommeures de Vauréal, et qui aura sa tape s’il pompignanise ; en un mot, vous ne me dites rien du tout. Réveillez-vous, mon ancien ami ; instruisez-moi, Paris est-il toujours bien fou ? comment vont les remontrances ? où en sont les guerres des grenouilles et des rats ? que dit-on de Luc ? que font le grand Fréron et le sublime Palissot ? Pour moi, je mets tout aux pieds du crucifix. Je bâtis une église ; ce ne sera pas Saint-Pierre de Rome ; mais le Seigneur exauce partout les vœux des fidèles ; il n’a pas besoin de colonnes de porphyre et de candélabres d’or. Oui, je bâtis une église ; annoncez cette nouvelle consolante aux enfants d’Israël ; que tous les saints s’en réjouissent. Les méchants diront sans doute que je bâtis cette église dans ma paroisse pour faire jeter à bas celle qui me cachait un beau paysage, et pour avoir une grande avenue ; mais je laisse dire les impies, et je fais mon salut.

Je n’ai point vu la Sœur du pot[2] ; mais on m’a envoyé un avis de parents assez plaisant pour faire interdire le sieur de Pompignan, au sujet de sa prose et de ses vers. Vous, qui êtes au centre des belles choses, n’oubliez pas le saint solitaire de Ferney, et joignez vos prières aux miennes.

Vraiment, j’oubliais de vous demander s’il est vrai que Palissot ait été assez humble pour imprimer mes lettres, et s’il n’a pas altéré la pureté du texte. Scribe. Vale.


4219. — À M.  DE MAIRAN,
À Tournay, 9 août.

Je vous remercie bien sensiblement, monsieur, d’une attention qui m’honore, et d’un souvenir qui augmente mon bonheur dans mes charmantes retraites. Il y a longtemps que je regarde vos Lettres au Père Parennin[3], et ses réponses, comme des monuments bien précieux ; mais n’allons pas plus loin, s’il vous plaît. J’aime passionnément Cicéron, parce qu’il doute ; vos Lettres au Père Parennin sont des doutes de Cicéron. Mais quand M.  de Guignes a

  1. Cœtlosquet.
  2. C’était peut-être quelque facétie relative aux philosophes. On sait que la duchesse d’Aiguillon, à qui est adressée la lettre 388, était alors connue sous le nom de Sœur-du-pot des philosophes. Mme  du Deffant, en écrivant à Voltaire le 23 juillet 1760, terminait ainsi sa lettre : « Qu’est-ce que c’est que la Sœur-du-pot dont tout le monde parle et que personne n’a vue ? »
  3. 1759 in-12.